samedi 29 janvier 2011

26 mai 1938 : Un (tout petit) peu de politique

Résumé des épisodes précédents : Suzie est toujours à Lyon, elle a fait sa première communion, et va peut-être avoir un appareil dentaire. Henri est maintenant fonctionnaire, il se plaint d'avoir froid parce qu'il travaille assis. Le mois de mai a été froid, les marraines ont fait du feu. Jean est rentré à l'école. La "bagnolle" a été vendue par un ancien collègue d'Henri chez Michel. Et on va retourner à Grandris pour les vacances.
Pendant ce temps-là, l'Anschluss, la démission de Blum, la montée du fascisme...


"Mon vieux,
En trois ou quatre minutes je viens te remercier de ta dernière lettre, je vois que tu es retourné à l'école et que le format de ladite ne t'embarrasse pas. Merci pour tes 4 pages, je n'en ferai pas autant pour cette fois.
Pentecôte est le 5, mardi le 7, certes ce n'est pas à cette occasion que j'irai te voir. Je vais être submergé d'oeillets et pour peu que cela se vendra, j'aurai du boulot sur la planche au point que malgré ma très grande envie de te voir je n'ose pas te conseiller une incursion dans un moment de telle activité... tu en feras ce que tu voudras, je serai sûrement à la maison. Adoncque, pour nous voir, nous nous verrions, mais songe un peu aux séances d'emballage de l'hiver passé...
Ta bagnolle sera le remords de ma vie depuis que tu m'as appris la possibilité de la monter à Digne et que le prix (de 2 000 F) t'avait été inspiré un peu par tes copains... Zut de zut ! Le mec m'a dit : Elle tire très bien, mais il s'est étonné que tu aies fait faire un rodage de soupapes peu après le remplacement du groupe. Ca m'a surpris aussi, sinon je ne t'en parlerais pas, parce que pour
2 000 F on ne vend pas une bagnolle avec garantie.

Température - tu as vu le 1er mai à Nice, la première semaine de mai a été plus ou moins pluvieuse et ces jours derniers, vendredi samedi - je crois- nous avons eu de la vraie pluie. Maintenant c'est la chaleur, orageuse même.
Voyage à Lyon : Bien que vous l'ayez bien effectué, tu ne me parles pas des santés lyonnaises, je pense que tu as trouvé les marraines dans leur forme "ordinaire".
Une question : Répète-moi in extenso pourquoi tu as voté "Front Populaire" ou plutôt en quoi le règne Laval & consorts avait rendu la situation de l’ouverrerier du travailleur impossible - décrets-loi, retenues sur salaire, baisse de la vie, chômage, etc.
Sont-ce Laval, Flandrin, etc. ou Blum, etc. qu'il faut incriminer ?... Fais-m'en une page ou deux, mais si tu as de la mémoire instruis-moi, cite-moi un exemple de budget familial aux 2 époques.
Chez moi rien de saillant, j'ai planté mes oeillets 38-39... ceux de la fortune ou du tombeau. J'ai mis un dérailleur à mon vélo et acheté les brailles ad hoc (!!!)
Je souhaite du courage à Jean s'il veut gravir les onze (une charibotée) classes et la suite, attendre autant de fois les grandes vacances, quelle longueur... mais c'est intéressant quand même d'être tout neuf.
Embrasse bien Jâne pour moi et à bientôt.

[gribouillis qui veut dire André]"

dimanche 22 août 2010

13 avril 1938 : Jane est à Lyon

"Mon cher homme, Rassure-toi sur notre compte, notre voyage s'est très bien passé, sans retard, et comme envisagé, avec autorail à Grenoble et arrivée exacte. Je n'ai pas été bien fatiguée, ça m'a étonnée. Les sœurs et la fille nous attendaient, et on a pris un taxi, pour 12 F 50 à 5 personnes, c'est intéressant. Chacune des marraines et Suzie vont bien. Cette dernière est à l'école aujourd'hui, jusqu'à 4 h. Elle va même à une petite retraite, de 11 h à midi, depuis lundi ! J'espère qu'on en fera une sainte. La pauvre gosse a de vilaines dents, ça m'ennuie, mais sa santé est bonne, il paraît qu'elle n'a pas eu de rhume de poitrine de tout l'hiver. Jean est content, il fait beau, mais ce n'est pas le beau ciel provençal, et il fait très frais. Mais je trouve que les arbres sont plus feuillus qu'à Digne.J'ai trouvé le parcours très beau jusqu'à Grenoble. J'ai voyagé seule avec une dame âgée charmante, qui habite Grenoble 6 mois sur 12, l'hiver à Nice, et l'été près de Digne, à Mézel. Elle m'a invitée à aller la voir, à l'occasion.Tu remarqueras les hautes barrières placées le long de la voie ferrée, entre St Auban et Grenoble. Elle sont destinées à arrêter la neige. Le trajet en autorail a été plutôt agréable, à part qu'il faisait un peu chaud, mais pas d'odeur d'essence. Nous n'avons pas eu à payer de supplément. Et toi, "chéri", que deviens-tu ? Ne languis-tu pas trop ? J'espère que tu te soignes le mieux possible, et nous arriveras bientôt avec de bonnes joues.On n'a pas de nouvelles des Dumas depuis quelques temps. Tante Jeanne viendra peut-être aujourd'hui. Je ne vois rien d'autre à te signaler. Au revoir, à bientôt, tout le monde t'embrasse, et je t'adore toujours. Ta vieille femme"

vendredi 16 juillet 2010

27 février 1938 : Anna est soulagée

"Ma chère petite Jane, Tu dois penser si ta bonne et longue lettre a été lue et relue, et si elle a été accueillie avec joie et soulagement ! Nous voilà tranquilles sur votre compte, et malgré la précipitation de ce départ et toutes les péripéties qui l'ont accompagné, tout s'est passé pour le mieux et Henri a pu trouver de suite un appartement convenable et bien exposé, ce qui est précieux pour vous, et à proximité du centre et des approvisionnements. Nous voyons avec grand plaisir aussi que tu as eu une bonne impression sur cette petite ville qui nous paraît fort plaisante d'après les cartes postales, et où les promenades agréables doivent abonder. En tout cas, l'air doit être vivifiant en effet, et sera cent fois préférable à celui de Nice, pour toi surtout mon Janot, aussi bien pour tes poumons que pour tes rhumatismes, pour Henri également et les enfants.  

Nous sommes bien contents qu'Henri soit satisfait de son nouveau poste et qu'il n'ait pas un travail pénible, cette heure de plus à se reposer le matin avec le retour à 5 heures le soir, on ne peut désirer mieux. Et nous sommes convaincus qu'il sera très apprécié de ses chefs, comme il l'était à l'usine d'ailleurs où on doit certainement le regretter. Il a dû être très touché de ce souvenir offert le jour du départ (1).  

Nous espérons que tu seras satisfaite de ta nouvelle femme de ménage, et que tu auras terminé toute ton installation avec les petits détails sans trop de fatigue. Le bout de jardin est précieux pour Jean, en attendant la fin de l'épidémie de rougeole et scarlatine. Il vaut mieux exagérer les précautions et ne l'envoyer à l'école qu'après Pâques, ces maladies sont si longues et si ennuyeuses qu'il faut tâcher de les éviter, si possible. Je suis contente que le pull-over lui aille, c'est presque un hasard, surtout pour le col. Les bonnes nouvelles de Suzie (2) nous font plaisir. 

(...) Quant à Jules, nous ne l'avons pas revu. Quand Juliette est venue il y a 3 semaines, il n'avait encore rien trouvé, et elle venait d'avoir la grippe et devait entrer le lendemain comme femme de chambre chez un Dr. Y est-elle toujours ? Nous ne savons rien. (...) Je termine mon griffonnage ayant juste la place de vous embrasser tous les 3 bien affectueusement, mes chers enfants. A toi, ma chérie, nos meilleures tendresses. A. Beauser"  

(1) une montre  

(2) qui a eu la varicelle

13 février 1938 : Enfin le déménagement !


Carte postale représentant "Bou Saada - Dans le quartier indigène, une rue de la ville Arabe" mais datée de Meudon.


Mon cher Henri,
Nous sommes bien contents d'apprendre que te voilà au bout de cette énervante attente et bien nommé cette fois. J'ai tardé à te féliciter parce que je voulais interviewer un camarade qui a pas mal parcouru la région de Digne - je n'ai pu le joindre. Le climat doit être plus vivifiant que celui de la Côte, mais attention au début ! Le froid qui tombe brutalement le soir, maux de gorge, rhumes, etc. - le soleil ardent, et le "fond de l'air" frais, encore attention ! Nous avons constaté que vous voilà plus près de Lyon de plusieurs heures, et de quelques centaines de francs par an, du fait des voyages. Espérons que la vie n'y sera, par contre, pas trop chère - et pas trop monotone. Ne perds pas le contact avec les maths ! Voilà bien des conseils. Ici tout va bien.
Nous vous souhaitons mille choses agréables.
F.

mercredi 16 juin 2010

28 décembre 1937 : Les voeux de Suzie


Mon cher Papa et Ma chère Maman,

J'espère que vous allez bien et je vous souhaite de passer une bonne année 1938 et d'avoir une bonne santé.
Jean a-t-il pu aller à l'arbre de Noel ? Qu'a-t-il eu et qu'a-t-il trouvé dans ses souiliers (sic) ? moi j'ai trouvé un broc un seau une cuvette 5 petits savons 2 linges de toilette et une main éponge. Je fais la toilette de mes cinq poupées tous les matins. Elles ont eu aussi quelque chose dans leurs souiliers. Je suis en vacances jusqu'au 3 janvier.
Je te remercie de ta jolie carte et aussi des étrennes que Papa et toi vous me donnez. J'ai déjà choisi ce matin de jolies fournitures de travail et il me reste encore un peu d'argent. Je suis bien contente.
Je t'embrasse bien ainsi que Papa et Jean.

Suzie

samedi 12 juin 2010

24 novembre 1937 : Bientôt 10 ans !


Les vacances se sont bien passées, Jean est resté avec les marraines et sa soeur jusqu'à la Toussaint où son père est allé le chercher à Lyon. Henri n'a toujours pas eu confirmation de sa future affectation en tant que fonctionnaire. La vie continue.


Chères marraines,
Nous avons été contents des bonnes nouvelles. J'ai toujours si peur que Suzie reprenne une bronchite, avec la mauvaise saison ! Heureusement qu'elle est chaudement habillée pour aller à l'école. Et vous, j'espère que vous n'allez pas mal, toutes les trois ? La maison a retrouvé le calme, après les réunions du mois dernier, et Marie-Louise et Marthe ont sans doute de l'ouvrage, par l'entr'aide ou autre endroit ? Suzie n'est-elle pas trop à la queue de sa classe, après avoir tant manqué ?
Ici, ça ne va pas mal. Le temps est tantôt beau, tantôt très humide. Nous sortons pas mal, Jean s'occupe bien, il fait même un peu de tapisserie.
Il a été un peu fatigué, ces temps-ci, il a vomi à deux reprises, et l'intestin, après cela, était un peu dérangé, mais 24 h après cela avait disparu. Il se plaint souvent du ventre, comme avant, et ces vomissements n'étant pas naturels, puis qu'il ne mange rien d'indigeste, je vais le mener chez le docteur. Il se peut que ça vienne du foie, et qu'il y ait un régime à suivre. Je lui demanderai aussi un fortifiant, parce qu'il ne veut pas prendre l'huile de foie de morue. Je viens, pour ma part, d'en prendre un demi-litre, et je me sens mieux.
Henri a reçu une lettre du ministère des pensions l'informant que sa désignation avait été notifiée au ministère des Travaux Publics, et que sa nomination sera prononcée ultérieurement. C'est déjà un pas de fait, cela prouve qu'on s'occupe de lui.
Rien de nouveau d'André, on se demande toujours comment ça va, de son côté. Nous allons lui écrire que nous pensons aller le voir le dimanche 5 décembre, et que nous fêterons ensemble nos 10 ans de mariage !...
Avez-vous de bonnes nouvelles des François ? Je n'en ai pas de mes parents ces temps-ci et en attends.
Suzie voit-elle souvent ses cousins et cousines ? Jean en parle souvent, se rappelant d'avoir bien joué avec les petits Biass.
Et voilà, chères marraines, le peu de nouvelles, nous en attendons toujours impatiemment des vôtres.
Meilleurs baisers du trio à toutes les quatre.

Jane

PS : Nous vous enverrons un mandat, au début de décembre, pour les 2 mois, je pense 300 F pour novembre, et vous nous direz ce que nous vous devons pour décembre.

vendredi 11 juin 2010

Quel rapport ?

... entre la coupe du monde de foot et ma grand-mère ? Facile : Je vais être privée de télé pendant un mois, et même me sentir parfois indésirable dans mon salon. Alors, j'ai fait provision de DVD, enregistrés depuis des mois et jamais regardés, et j'ai aussi un peu dévalisé la médiathèque. Je vais monter des coussins dans mon grenier et m'installer confortablement pour passer de bonnes soirées zéro foot.
Entre autres activités prévues, donc, reprendre un peu le cours de cette histoire, pour mes quelques fidèles et aussi pour le plaisir de voyager dans le temps. Il me reste encore à tester si le WIFI traverse le plancher... Sinon, je bloggerai depuis la cuisine. A très bientôt.
22:37 : Les footballeurs français sont nuls, comme prévu, et la connexion marche jusqu'à mon lit !