jeudi 28 août 2008

Et voilà le petit Jean

Jean Claude, né le 26 mai 1931

27 mai 1931 : Et les grands-parents sont comblés

"Mes bien chers enfants,
Le bienheureux télégramme si anxieusement attendu nous a comblés de joie et nous remercions Henri de nous avoir vite prévenus !
Nous prenons une grande part à votre bonheur d'avoir un fils, souhaitant ardemment qu'il vous donne toutes les satisfactions désirables.
Maintenant nous avons hâte d'avoir quelques détails sur le cher petit et sur sa maman surtout, espérant que tout se sera passé plus vivement que la première fois.
Malgré cela, qu'Henri ne se surmène pas trop ; nous attendrons que notre Jane soit en état de nous écrire elle-même dès qu'elle le pourra, car le pauvre doit avoir une vie bien fatigante en ce moment, et avec une telle chaleur surtout !
Gd'mère et T. Henriette vue aujourd'hui ont été très heureuses de la bonne nouvelle et doivent vous écrire. Quant aux "cinq" ils viennent dîner demain soir, et seront fixés sur l'arrivée du filleul. Mais Renée m'a demandé en quoi consistait le rôle du parrain et de la marraine si le baptême se fait sans eux ?
Ils s'installent à Boulogne samedi, et renoncent à acheter la fameuse maison de Criel où ils sont allés il y a dix jours.
Jean voudrait envoyer Renée à la mer pendant son absence, à moins que le projet du Jura tienne toujours, et que l'on puisse trouver un hôtel convenable à proximité de la maison que vous occuperez. Dans ce cas seulement, Renée pourrait se joindre à nous et la réunion de famille serait complète. Car il est plus que probable que papa sera entièrement libre (malheureusement) en août, et en profitera pour se reposer longuement.
Mais tout cela ce ne sont que de vagues projets, et le principal est que la famille Reignier trouve une maison pouvant convenir et à des conditions acceptables. (...)
Nous espérons que vous avez toujours d'excellentes nouvelles de la chère petite qui va être toute surprise en voyant son petit frère !... Mais sans doute ne la reverrez-vous pas avant le mois d'août ?
Je termine, mes bien chers enfants, en vous embrassant mille fois bien tendrement comme nous vous aimons.
Caresse au tout-petit et à vous encore toutes nos affectueuses pensées.
A. Beauser"

27 mai 1931 : Marthe a un filleul !

"Mes chers enfants,
Toutes nos félicitations, embrassez mille fois mon petit amour de filleul. Nous attendons les détails avec impatience et espérons que Jane se remettra vite.
Comment est-il ce petit trésor, et c'est papa Henri qui doit être pas peu fier et d'avoir un fils et que son fil à plomb ait dit vrai.
A bientôt d'autres nouvelles.
Votre fille vous envoie de gros mimis et nous aussi.
Marraine Marthe"

21 mai 1931 : Des nouvelles de Suzy

"Ma chère Jane,
Cette lettre-là te trouvera-t-elle encore au Petit Nid ?? Voilà plusieurs fois que la sonnette nous donne un battement de coeur et que nous disons "ça y est". En tout cas pour être écrite si près de l'"évènement", ta longue lettre nous donne une haute idée de ton excellent moral.
Ta fille continue à faire notre bonheur, elle va toujours très bien et a bon appétit. Malheureusement ces derniers jour, chez nous aussi le temps s'est un peu gâté et les averses empêchent de se tenir au jardin comme on voudrait. Néanmoins nous sortons Suzy matin et soir et ces promenades lui donnent de belles couleurs.
Hier en rentrant elle a trouvé Tante Vulliod à la maison et lui a fait un brin de causette gentiment. Cette chère Tante a tiré de son sac un joli morceau de toile de Tarare bleue pour lui faire une robe, ce qui a rempli Suzy de joie. Elle venait de faire des robes à ses petites filles dans ce tissu et comme il lui en restait, elle a pensé que cela irait bien à la blondeur de Suz.
Elle lui a promis aussi de lui apporter des bonbons à sa prochaine visite. Aussi, lorsqu'elle est partie, Suzy l'a accompagnée jusqu'à la porte en lui répétant : "tu m'apporteras des bonbons", ce qui m'a rappelé le temps où Riron (1) en petit jupon courait après Madame Gras en lui criant "Gras, tu m'apporteras des gâteaux la prochaine fois". Ce que c'est que l'hérédité !
Nous avons reçu une longue lettre de Germaine qui a l'air très heureuse en mission, malgré le temps plus ou moins pluvieux. Kozak va partir à Padoue les premiers jours de juin et sa femme ira se garer à Nîmes. Elle viendra nous dire bonjour en passant.
Nous allons avoir la Nourrice quelques jours à la maison la semaine de la Pentecôte. C'est une vieille connaissance que l'on voit à peu près tous les dix ans. La petite va l'amuser.
En même temps que la tienne nous avons eu une lettre d'André qui paraît toujours bien content. Nous aurons peut-être le plaisir de voir sa pomme bientôt. Suzy en parle quelquefois, elle sait très bien qu'il est à Antibes et qu'il l'appelle "Périe" (2).
Tout à l'heure, elle a demandé "Où est-elle habitée Maman ?" - "à Nice" - "bon, bon." Elle soigne tendrement sa poupée et lui dit "Bouge pas, allons, peux pas boutonner".
Comment va l'"appendicite" de ce vieux frère ? A-t-il trouvé une pâture du matin à sa convenance ?
A bientôt. Nous vous embrassons tendrement tous les deux.
Colombe"


(1) Surnom d'Henri quand il était petit

(2) D'après Isabelle, déformation de "prairie" en référence à la blondeur de Suzy

mercredi 27 août 2008

1er mai 1931 : Henri a emmené Suzie à Lyon

"Ma chère petite Jane,
Au milieu de notre bonheur de posséder le père et la fille, nous n'oublions pas la pauvre maman restée seule et qui a dû prendre son grand courage pour les laisser partir. Ces deux premiers jours surtout seront un peu durs à passer, mais ensuite la pensée de l'avenir avec le bel enfant se fera plus forte, et vous vous reposerez un peu en l'attendant, ce qui ne sera pas un mal.
Vos chers voyageurs ont passé une bonne nuit, étant seuls jusqu'à Valence et la petite a bien dormi. Aussi n'a-t-elle pas été triste ou gênée en arrivant. Tout de suite elle nous a reconnues et sa petite langue s'est bien déliée. Elle n'avait rien pris en route et a vite mangé sa phosphatine. Le lait ne lui a rien dit, mais dans un moment, vers 10 heures, on le lui représentera et si elle ne le veut pas, on remplacera par du chocolat et du pain. Elle s'est longuement amusée avec un petit jouet laissé comme souvenir de Pâques par Germaine et François à son intention : Une minuscule voiture de poupée en bois et en mousse dont l'intérieur était garni d'une cocotte et de ses oeufs. Suzie a trouvé cela charmant et se montre très gaie, retrouvant d'anciens jouets et repensant d'elle-même à écouter musique.
Elle a cru aussi qu'elle allait retrouver sa maman comme par miracle dans une pièce de l'appartement mais elle ne s'est pas trop appesantie sur cette déception, ayant trop à voir autour d'elle, mais je suis sûre qu'elle vous réclamera souvent.
Il faisait un peu sombre à leur arrivée, mais nous jouissons maintenant d'un bon soleil comme hier, ce qui réchauffera l'atmosphère, et permettra de jouir du jardin. Nous allons bien faire prendre l'air à cette petite chérie pour lui conserver ses belles couleurs et son entrain.
André était à la gare d'Antibes et a profité de l'occasion pour nous envoyer roses et oeillets. Nos lilas joints à ces belles fleurs font un délicieux ensemble.
A bientôt de vos nouvelles, ma chère Jane. Nous avons hâte de savoir comment vous aurez passé ces deux jours sans trop vous ennuyer, et nous vous embrassons bien en attendant.
Maman

Mon fenon, tout s'est donc bien passé et ici il fait beau. Les lilas sont en fleurs, je crois que Suzy pourra se payer du plein air. Moi je vais bien, n'ai pas mal à la tête et je suis en train de réparer un robinet. Nous pensons que cette lettre t'arrivera samedi soir et c'est pourquoi je ne t'en écrirai pas plus long. Mes conseils risqueraient d'arriver trop tard et d'ailleurs tu sais bien que la consigne est de te la couler la plus douce possible.
Une chose qui en n'importe quel moment sera la bienvenue, c'est, j'espère, les mille baisers que je t'envoie ici. Je pense que tu n'auras pas fait d'orgie avec tes 40 sous et que ta journée de vendredi aura été distrayante. Je t'embrasse, à bientôt.

J'aime bien Maman
Suzy
(à qui on a tenu la main)

2 avril 1931 : Renée est dans les préparatifs

"Ma chère Jane,
Je t'écris un dernier mot de New York avant que je sois trop occupée avec les malles et tout le fourbi. Nous sommes faits maintenant à cette idée du retour, et d'ici un ou deux ans ce sera la belle situation pour Jean (surtout quand Charles aura laissé la place !). Nous sommes dégoûtés de l'accueil que Germaine nous réserve : elle ne peut non seulement nous donner nos chambres qui sont occupées, mais elle ne parle même pas de loger les enfants et de nous offrir sa table qui aurait reposé les estomacs de la nourriture du bateau !
C'est peut-être son mari qui fait des objections et qui ne tient pas à nous voir trop souvent, car il n'ignore pas que nous sommes au courant de ce qu'il fait, alors que Germaine ne sait rien : c'est un salaud et cela devait arriver tôt ou tard... mais surtout garde cela pour toi et ne me réponds pas à ce sujet, Jean ne serait pas content !
Dès notre arrivée à Paris je t'enverrai les petites affaires pour ton bébé ; j'y ai ajouté des draps de Pierrot qui ne vont plus me servir ainsi que des couvertures tout en laine, car Pierrot aura un lit comme Jacques. Les autres, neuves, sont en coton et te serviront pour le langer au début et ensuite de couverture légere ; ne crains pas de les laver, cela ne les abîmera pas. Quant aux couches il y en a de 2 dimensions : des carrées, que tu plieras en biais 2 fois, et des rectangulaires à plier une fois en deux puis en biais : il n'y en a que 2 douzaines, mais elles sont inusables.
Nous serons sans doute au Havre le 30 avril et ferons la route jusqu'à Paris avec notre voiture que Jean n'a pas voulu vendre pour une bouchée de pain, attendu qu'elle est toute neuve et marche à merveille. Oui, je conduis, et je suis fière que Jean me donne sa confiance, car il y a beaucoup de maris qui ne veulent pas, témoin l'oncle Jean. Un jour viendra peut-être où nous irons vous surprendre par la route des Alpes... quel beau projet !
A bientôt, cher tous, je dis cela sans savoir si on se reverra bientôt, mais nous aurons certainement plus de chance de nous retrouver là-bas qu'ici !
Bon courage pour ces dernières semaines, ma chère Jane, tu seras délivrée juste avant les chaleurs ; je te souhaite ce que tu désires !
Nous vous embrassons tous les trois de tout notre coeur.
Ta vieille soeur (32 sur le bateau) qui t'aime,
Renée"

25 mars 1931 : Lettre de Marie-Louise

"Ma chère Jane,
Je te remercie bien de ta chère bonne lettre et de ton apitoiement sur mes bêtes de maux. Ils me gênent en effet assez souvent, mais je commence tout de même à sentir une petite amélioration qui me fait plaisir et me permettra peut-être de faire des projets plus précis dans quelques temps.
En attendant je pense avec bonheur à la venue de ma filleule qui va égayer notre vieux 28 pendant que "cataplasme" fera son entrée dans le monde, ce qui réjouira doublement nos vacances prochaines. En attendant, il faut encore un peu de patience à la pauvre petite Jane et je comprends que ces derniers temps doivent être bien pénibles. Malgré tout, j'envie ton rôle de Maman surtout dans une famille si bien commencée et où les charges sont si vaillamment supportées. (...)
François et Germaine comptent prendre 18 jours de vacances pour Pâques dont 9 à Nîmes pour commencer et nous réserver les 9 autres (du 13 au 22 avril). Ils seront donc là pour le mariage de Margot et s'ils y sont invités, ils iront avec plaisir. Le projet de Padoue semble tomber dans l'eau pour le moment, mais dans ce métier on ne sait jamais comment les choses se décident et s'abandonnent.
Marthe a fini par voir vendre deux de ses petites "croûtes" exposées à Megève, ce qui lui a rapporté la modique somme de 100 F. Ce n'est pas merveilleux, mais si la vente en était plus courante, il est certain que les petits ouvrages de maison. En ce moment nous pouvons avoir en abondance des petits tabliers d'enfant à faire à la maison. Les modèles sont très variés et ravissants mais ne sont certes pas payés selon leur valeur. A défaut de mieux, cela nous fait plaisir mais en ce moment c'est surtout Marthe qui y travaille, la patience me manquant un peu pour m'appliquer longtemps.
Ne t'inquiète pas de la pèlerine capuchon que tu projetais de faire, Marthe qui cherchait justement à fabriquer quelque chose pour son filleul, s'approprie cette idée. Elle en parlera à Thérèse qu'elle doit voir tout à l'heure, et fera pour le mieux.
Henri se plaît-il dans son "bois" ? En tous cas nous sommes contentes qu'il soit moins précipité pour partir le matin, ce qui sera bon pour lui et pour tous.
Au revoir mes chers enfants, je vous embrasse bien tendrement tous les trois.
Bien des choses à André quand vous le verrez. Nous nous réjouissons de sa prochaine venue.
Marraine"

lundi 25 août 2008

9 mars 1931 : Anna est plus gaie (ça se voit aux points d'exclamation)

"Mon petit Janot,
Ta bonne et longue lettre nous a fait bien plaisir, sans parler du "qu'en" (1) de nos filles brevetées signalé par Henri, qui nous a pas mal divertis ! Enfin, vos santés sont excellentes, c'est le principal, et vous jouissez d'un temps merveilleux, inconnu ici depuis des mois ! Profitez bien de ce beau soleil en évitant les rhumes de cerveau. Comme nous voudrions jouir des belles joues roses de notre Suzie ! Espérons qu'on pourra peut-être arranger une réunion pendant le voyage de Jean dans le nord. Mais on ne peut faire aucun projet avant l'arrivée des N. Y.
Les déplacements seront assez compliqués pour toi aussi avec le n° 2, et tu ne pourras sans doute pas aller loin ! (...)
Germaine (Herrembrod), vue mardi dernier, m'a dit que les Américains ne pourraient pas loger Bd Barbès, en attendant d'avoir trouvé un appartement, que c'était trop juste comme place, et qu'il valait mieux qu'ils aillent en appartement meublé.
Il paraît qu'ils ont l'intention d'habiter vers la porte Champerret dans une maison neuve. C'est un quartier agréable et pas loin du "Bois".
Votre promenade à Vence n'a pas été réussie avec cette panne d'auto, et le retour a été piteux pour vous comme pour ce pauvre André qui s'en est vu avec son outil à réparer !
Nous espérons que Marie-Louise se remettra rapidement de cette nouvelle fatigue nerveuse, avec un traitement approprié ; car il ne faudrait pas qu'elle soit malade longtemps vu l'état de Mme Reignier.
Je pense que nous pourrons nous réunir avec les jeunes époux (2) à leur retour de Lyon, après Pâques, nous leur écrirons de venir un dimanche.
Je dois aller jeudi voir T. Angèle ; elles ont dû changer d'idée pour leur paquet de Noël et ne m'en ont pas reparlé. Comme elles savaient que tu avais acheté une poupée à Suzie avec l'argent de Renée, je suppose qu'elles attendent la naissance du... fils, pour faire un envoi, à moins qu'elles aillent dans le Midi pour Pâques !
Rien de nouveau ici, sauf que Jules a encore changé d'idée. Il nous dit que sa décision est prise, qu'il viendra à Paris fin avril pour l'Exposition Coloniale, et fera ensuite venir Juliette selon les évènements pour qu'elle trouve une place ici ! Nous lui avons écrit pour le détourner de ce projet insensé, étant donné le chômage qui augmente tous les jours et la cherté des loyers. Le malheureux raisonne comme un gosse et n'a aucune prévoyance. Mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'il n'arrive pas à trouver une place stable à Bruxelles, et travaille de loin en loin selon les occasions. C'est lamentable.
Nous voyons que le travail ne marche pas fort non plus à Nice, et nous faisons des voeux pour qu'Henri conserve sa place, sans quoi ce serait une cata-
strophe !

Papa et moi vous envoyons à tous trois mille baisers bien affectueux, mes chers enfants, et à toi encore, ma chérie, nos meilleures tendresses.
A. Beauser
Madame Poisson m'a remis pour toi un ravissant bonnet de laine que je joindrai à l'envoi du mois prochain.
Soigne-toi bien et ne te fatigue pas trop, surtout avec les lavages !"

(1) Renée avait écrit "qu'en" pour "quand", et Jane a dû faire la même faute dans une lettre à sa mère.
(2) François et Germaine

dimanche 24 août 2008

1er mars 1931 : Tendresses de l'arrière-grand-mère

"Chère petite Jane,
Reçu hier soir ta carte qui m'a vivement touchée. Merci, ma chérie, d'avoir pensé à ta vieille grand-mère, à son anniversaire (1), personne autre n'y a songé, pas même moi, je suis si vieille maintenant, je n'ai plus ni force ni mémoire, je ne suis plus bonne à rien. Cependant je songe encore à tous les miens, les absents comme les présents et je les aime toujours. Te reverrai-je ? je ne puis plus former de projets et cependant, je suis bien heureuse du retour de nos chers américains (2). Père et mère éprouvent une grande joie, boulevard Raspail aussi.
Quant à toi, ma chère petite, je comprends que tu te réjouisses, surtout à la veille de la naissance du mois de mai.
Je remercie Dieu du fond du coeur du bonheur qu'il donne aux miens.
J'embrasse ton cher Henri que j'aime, ta Suzette que je voudrais tant revoir.
Je vous embrasse tous les trois comme je vous aime, c'est à dire infiniment, ma Jane chérie.
Ta vieille grand-mère,
C. Jobert"


(1) Caroline Jobert (mère d'Anna) est en fait née un 29 février (il n'y en a pas eu en 1931). Elle a 83 ans.

(2) Les Grethen ont appris leur retour définitif en France pour avril.

5 janvier 1931 : Voeux from N. Y.

"Ma chère Jane,
Je réponds de suite à ta lettre du 22 décembre qui nous a fait grand plaisir ; j'aurais été encore plus contente si tu m'avais dit que tu as bien reçu ma lettre et carte de Xmas et le petit billet pour le Noël de Suzy ; j'espère que ce n'est dû qu'à un retard de la poste et que cela n'aura pas été volé en route.
Merci, chers tous les deux, de vos gâteries aux enfants, livres et jolis mouchoirs pour la fille : il me semble que cela fait beaucoup de choses, et lorsqu'on a 3 neveux et nièce, il ne faut pas prendre de mauvaises habitudes, car cela entraîne trop loin ! Jacques a commencé son livre et il le lit lentement mais comprend tout ; comme il n'a que des livres en anglais celui-ci lui fait doublement plaisir.
J'espère que vous aurez eu un good time à Lyon et que vous vous serez laissé gâter par la famille ! Ici, les fêtes ont été gaies et tout le monde a eu d'agréables surprises, grands comme petits !
Tu penses que nous n'avons pas à être tristes parce qu'on est loin du pays natal, nous pouvons être heureux par nous-mêmes et nous nous suffisons ; c'est ce que cette gourde de Germaine (1) ne peut pas comprendre : elle nous
dit : "ne vous ennuyez pas trop pour les fêtes et songez que nous penserons à vous !" Il y a de quoi rire. Elle espère que nous allons rentrer cette année, sinon que nous viendrons pour les vacances... Jean a dit que tu étais plus intelligente qu'elle car tu comprends mieux notre situation bien que tu désires nous revoir comme nous le désirons également.

Quant à maman, c'est toujours le cafard qui la dirige ; elle pense que si l'on ne se revoit pas en 1931, ce sera en 1932, et elle vit d'espérance. Tu vois comme cela me fait plaisir !
Je suis sûre que si nous étions en France, elle aurait toujours plus ou moins le cafard.
Je vais bientôt m'occuper de ton futur héritier car janvier est le mois des "sales" (prononce bien !) pour les layettes et je te les enverrai par Saladino au mois de mai à moins que tu n'aies pas ce qu'il faut pour commencer, si ce personnage arrive en avance. J'ai toujours peur que tu aies à payer des droits lorsque je t'envoie quelque chose.
Il me semble que nous correspondons beaucoup depuis quelque temps, et que ma plume est un peu moins lazy !
Bonne santé à tous trois et que le rejeton ne te donne pas trop de fatigue !
Affectueux baisers de nous tous à vous tous.
Votre vieille soeur qui vous aime,
Renée"


(1) Germaine Herrembrod, soeur de Jean Grethen

1931...



vendredi 22 août 2008

Une erreur et un trou de quatre mois

Bonjour,
Je viens de me rendre compte que j'ai daté d'août 1929 une photo qui a été prise en 1930, il faudra que je trouve moyen de la remettre dans son contexte...
Après cette petite missive de Jane, plus rien... jusqu'en janvier 1931, c'est à dire plus rien dans les lettres en ma possession, à moins d'une grossière erreur de classement.
De toute façon, 1931 va être une année très occupée et riche en évènements. Vous allez voir ça très bientôt.

Août 1930 : En arrivant à Marcy

"Mon cher vieil homme,
Je t'écris à la course avant le passage du facteur. Mon voyage s'est très bien passé, j'ai eu juste le train aux Brotteaux et au café de la gare, à Anse, on a téléphoné pour m'envoyer une auto. J'ai rencontré André devant le café Descombes et il est monté dans l'auto jusqu'à la porte où nous avons été bien accueillies, comme tu penses.
Suzie est gentille et a déjà trouvé un ménage en métal, un ballon et une poupée. Il fait assez beau mais frais.
Je termine vite et je t'embrasse plusieurs fois en te recommandant de te soigner et de ne pas me tromper.
Bons baisers des marraines et de maman.
Ton Fenon"

jeudi 21 août 2008

3 juillet 1930 : Scoop !

"Mes chers enfants,
Nos dernières nouvelles les uns des autres se sont encore croisées en route et nous voici à attendre de chaque côté. Et vous devez être impatients de savoir comment se passent ces premiers jours de rencontre avec la fiancée.
Et c'est moi qui me trouve la première libre d'écrire et suis contente de l'occasion de reprendre directement contact avec mes chers Niçois. Jusque là je ne pouvais guère tenir la plume mais je vais mieux maintenant de jour en jour (1) et le bonheur de François contribue à mon rétablissement, car vraiment il est heureux ce cher Kozak ; vous avez pu en juger d'ailleurs ! Et sa fiancée paraît être au même niveau d'enchantement.
Vous voyez que je dis sa fiancée et ils le sont depuis tout à l'heure, car à la demande des parents nous avons dû précipiter la chose, regrettant bien vivement la présence d'Henri, puisque Jane ne pouvait réellement faire ce voyage si près du suivant.
Mais contrairement à ce que nous avions cru d'abord, les parents ne devaient pas venir pour cette circonstance, et c'est seulement entre nous et André que nous avons fait notre petite cérémonie, tout en nous rappelant la première faite ici.
Nous avons bien regretté ta présence, mon Henri, et celle de Jane, mais nous avons pensé que cela vous évitait un dur voyage par le temps si chaud ! Et nous avons parlé de vous pour nous dédommager et de notre jolie petite chérie.
Heureusement qu'il n'y a plus guère qu'un mois avant le revoir. Marthe était hier à Graves pour voir le logement de Mme Torret et croit que cela peut faire pour la circonstance. Il y a 3 pièces dans une maison, et 2 pièces à volonté dans la maison même de cette dame. De sorte que nous pourrons très bien nous y arranger avec vos parents.
Je ne vous en écris pas plus long pour aujourd'hui car je profite d'un petit moment où nos amoureux viennent de descendre au salon ou au jardin après le déjeuner, et nous allons les rejoindre et recevoir ensuite Thérèse et Hélène.
Je vous embrasse aussi tendrement que je vous aime tous les trois en soupirant après les vacances.
Maman"


(1) Marie a souffert d'une pneumonie en mai.

14 avril 1930 : Jane s'ennuie chez ses parents

"Mon cher vieil homme,
J'ai reçu ta carte hier ; je suis contente de te savoir en bonne santé (si c'est bien vrai...).
Mais ne crois pas que je me jette à corps perdu au milieu des voluptés parisiennes. D'abord, il pleut, vente, et on est gelé. Le concierge a arrêté la chaudière, l'animal.
Vive le soleil de Nice et le jardin. Car la pauvre Suzie ne cesse de répéter : "mener, mener", et grogne souvent. Néanmoins, elle est gentille avec ses grands-parents, et n'a pas été sauvage avec grand-mère et les visiteurs.
Nous la couchons à la salle à manger, sur un matelas. C'est peu pratique, cette nuit elle s'est levée 3 fois en pleurant. Et puis, de 7 h à 10 h, le soir, comme nous sommes à la salle à manger, on la couche dans la chambre, et ensuite il faut la trimballer...
Maman est très fatiguée. Elle est encore plus maigre et ne dort presque pas. Elle a passé 2 nuits blanches. Le docteur lui a conseillé de ne plus prendre de drogues pour dormir, mais de temps en temps elle y a recours, ne pouvant supporter ces insomnies. C'est très pénible, et pas drôle pour papa.
Madame Fromentin, venue hier, doit s'inquiéter de lui trouver une maison de repos dans la banlieue, pas loin, parce qu'elle s'ennuierait trop, si on ne pouvait aller la voir souvent.
Et elle broie du noir, se croit une maladie de coeur grave, quand ce sont seulement les nerfs qui sont contractés, et le foie qui est un peu malade.
Tu voir, mon pauvre mari, que ma lettre n'est pas gaie, et que l'atmosphère cafardeuse influe sur mon cerveau.
Je viens d'écrire à François, qui doit arriver à Paris demain, pour lui demander de venir dîner mercredi soir. Ce sera le seul moyen de le voir.
Je ne pense pas aller voir tante Angèle aujourd'hui, parce qu'il fait trop mauvais temps, et que je ne veux pas laisser Suzie à Maman, elle l'ennuierait.
Mange-tu toujours bien ? T'es-tu purgé ? Et le cinéma, était-ce bien ?
Papa a eu les mêmes malaises que toi dernièrement, vertiges, estomac embarrassé. Il a pris quelques grains de Vals, et ça va mieux.
Veux-tu penser à emporter à Lyon les sandales de Suzie, qui sont en bas de l'armoire, à gauche ?
Au revoir, mon cher et tendre époux, ne t'en fais pas, ça se tire. Je compte aussi les jours, est-ce mal ?
Je tâcherai de partir samedi matin. On en parlera avec François.
Nous t'embrassons bien, et moi surtout.
Ton Fenon.

PS : Ne cherche pas à économiser : Grand-mère me donne 80 F de coupons qu'elle vient de toucher."

mardi 12 août 2008

11 avril 1930 : Jane est à Montchat et fait de la poésie

"Montchat, dans le jardin, au bon soleil, parmi les oiseaux et les arbres fruitiers fleuris. Et après cela, mon cher vieil homme, dis-moi si je ne suis pas un poète ignoré des hommes.
J'ai fait un bon voyage, merci. Le grand-père s'est montré fort sociable par la suite, et Suzie a dormi de 10 h à midi et de 6 à 7. Nous sommes arrivées à 7 h 1/2, et figure-toi que Marthe n'a pas eu l'idée de venir voir en tête du train où je l'attendais sur le quai. J'ai donc pris un porteur pour sortir de la gare et j'ai trouvé la belle enfant aux aguets entre les deux sorties. Puis, nous avons pris un taxi, maman le voulant, et parce qu'il était tard.
Il paraît que je dois faire viser mon bulletin d'arrêt ce soir seulement, au passage.
Maman va à peu près. Suzie n'a pas été sauvage, elle s'est tout de suite amusée avec une boîte de cubes, et tellement qu'elle ne voulait plus aller faire dodo. En ce moment, il est 11 heures, et elle dort dehors au soleil, tout comme à Nice.
Marie-Louise me trouve maigrie un peu, j'en suis vexée. Marthe a des maux d'estomac pour te tenir compagnie.
Et toi, comment vas-tu ? Les marraines aimeraient que tu prennes de l'eau de Vals, un verre à jeun, tous les matins. Vois si tu en trouves à la coopérative, et soigne-toi bien, c'est ton devoir. N'apporte pas d'oeufs, André en comble les marraines ; mange-les tous, c'est excellent.
Le garage n'est pas commencé ; un maçon creusait ce matin l'emplacement. Le portail existe, et la Bébé P. attend dans un garage voisin d'être réparée.
André va venir sans doute tout à l'heure, et il restera ici demain, parce que le Kozak arrive demain matin à Montchat d'où il repartira mardi pour Paris, où je le verrai certainement.
Suzanne Vincent et Odette doivent venir tantôt. Odette et Gab vont dans le midi pour Pâques, dans l'auto des Bernal (?). Et Jackie sera confiée aux marraines, pendant ce temps.
Maman m'écrit pour me conseiller d'attendre à la gare de Lyon, demain, jusqu'à 6 h 1/2, sans quoi je devrais payer le tarif de nuit. Ce sera rasoir, de rester au buffet 1 h 1/2 et un train à 9 ou 10 h eût bien mieux fait mon affaire.
Enfin, ne t'en fais pas pour nous, car je suis une mauvaise femme, qui ne pense qu'au plaisir et te boulotte ton pèse honteusement. Pauvre homme. Et la tarte aux pruneaux, était-elle bonne ? Bons baisers des marraines.
Je t'aime toujours.
Fenon"

16 mars 1930 : Bientôt Pâques

"Ma chère Jane,
Pour cette fois on ne te punira pas du retard, parce que tu as de trop bonnes raisons, mais je ne peux pas te dire cependant que le temps ne nous durait pas un peu d'avoir de vos nouvelles, et nous allions souvent faire des scènes à la boîte aux lettres parce qu'elle restait toujours vide.
De son côté Kozak était en retard aussi, mais ce matin nous sommes dédommagées par une longue lettre. Voilà que la date de son retour prend tournure. Il vient de demander au service géographique son embarquement pour le 9 avril si possible, mais il ajoute que de toutes façons il sera rentré à Pâques.
Alors, quoique nous soyons aussi pressées de vous avoir qu'on puisse l'être, mes chères petites, nous pensons qu'il vaudrait mieux que vous nous réserviez les jours après, qu'avant Pâques, pour que Capitaine Kozak profite plus sûrement de votre présence. Ce qui, de toutes façons, n'empêchera pas, je pense bien, ta petite halte ici au cours de ton voyage à Paris. Est-ce bien toujours le 10 que nous aurons ce bonheur ?
Les Mouterde ont dû vous donner de nos nouvelles, puisque nous avons vu Suzanne et Margot la veille du départ. Ils comptaient partir samedi matin pour arriver samedi soir. J'espère que Margot va tirer quelques photos intéressantes de Suzie.
As-tu commencé son petit manteau bleu et lui fais-tu la capote pareille ? Cela fait un si joli ensemble. Nous voyons d'avance notre belle enfant dans cette jolie toilette. Le bleu lui va si bien.
Nous faisons toujours des draps et du tricotage avec Poupette
(1) et ça barde pas mal en ce moment.
Nous applaudissons au petit avantage fait au cher Henri par ses patrons. Cela est toujours bon à prendre et montre que l'on se rend un peu compte de ses qualités suréminentes.
Tes violettes sont arrivées magnifiquement étalées, nous faisant toutes vos commissions de tendresses. Nous vous les retournons au centuple et vous embrassons bien fort tous les trois.
Colombe
Bravo à vos poules !"


(1) Marthe

mardi 5 août 2008

24 janvier 1930 : Les voeux de Renée, en forme de conseils ménagers

"Ma chère Jane,
J'avais pourtant bien l'intention de répondre plus vite à ta gentille lettre et à ta carte de Lyon ; j'attendais d'avoir terminé la série des lettres embêtantes que le changement d'année nous oblige à faire, quand je me suis trouvée encore fort occupée avec les enfants malades. D'abord Jacques, et maintenant les 2 autres... Nany avec 39,7 de fièvre, le lit, les remèdes, et Pierrot un peu moins mal mais tellement désagréable et ne voulant pas quitter mes bras ; il n'arrête pas de se plaindre "du mal Pierrot" qu'il prononce "Pa-ot", et quand on lui dit "qu'est-ce que tu as ?" il répond "di claques Pa-ot" ce qui veut dire qu'il reçoit des claques... mais c'est un menteur et ne le croyez pas ; il a dit la même chose au docteur qui se tordait ! et lui en avait tellement peur qu'il ne cessait de répéter "nice boy, Peter, nice boy". Enfin tu vois que c'est un petit numéro dans son genre ; il est d'ailleurs comme tous ceux de son âge, adorable, comme doit être votre Suzy !
Enfin, avec les enfants, il faut s'attendre à toutes sortes de troubles, même quand ils sont sains et normaux, et ce climat-ci est très dangereux ! J'espère que tous irons mieux d'ici quelques jours, et serai contente de reprendre les habitudes courantes et de les voir de nouveau diables et faisant du bruit.
Assez parlé de tout cela ! Comment avez-vous passé les fêtes à Lyon, comment va la maman d'Henri ? Thérèse m'a écrit longuement et raconté le voyage de son mari, non sans inquiétudes ; il est sans doute bientôt de retour.
Et aussi, comment va votre petite Suzy ? Je pense que son abcès n'est plus qu'un vilain souvenir, et qu'elle s'habitue à la viande ; Je te dirai que Pierrot ne l'aimait pas non plus, mais maintenant il la mange tout seul et ... avec ses doigts, surtout le poulet et le "lamb shop" (sic) ; quant au boeuf, je lui prends un morceau de round steak que je fais griller légèrement, coupe en petits morceaux et dont j'extrais le sang avec une petite presse spéciale, très pratique, il a donc tout le meilleur et le boit de suite dans son verre.
Je te conseille de donner à ta fille beaucoup de légumes verts et carottes cuits dans peu d'eau, bien écrasés avec une noisette de beurre frais et sel et comme pomme de terre, celles cuites au four "baked" sont les meilleures (si toutefois tu as un four).
Avez-vous toujours des poules ? Tas de veinards ! Les oeufs frais pondus valent de l'or pour les bébés, et peut-être aurez-vous quelque couveuse au prin-
temps ?

Travailles-tu beaucoup pour ta fille et pour toi ? En ce moment, j'ai une vraie passion pour le crochet et ne peux plus voir les aiguilles ! On fait d'ailleurs des choses charmantes avec un crochet et un peu d'idée (quand on est une Française) car ces Américaines ne savent pas même tenir une aiguille !
Si cela te fait plaisir je vais faire 1 ou 2 robes pour Suzy comme je viens d'en faire une à Nany et à Jacqueline Archinard, et 3 costumes à Pierrot ; c'est te dire que c'est assez vite fait ! Je m'arrangerai pour te les envoyer par la poste et te préviendrai avant.
Je ne vois pas grand'chose d'intéressant qui puisse te divertir ; notre vie est calme comme la vôtre et je vis presqu'en sauvage ne voyant que Mme Archinard qui est vraiment une bonne amie et une voisine toute proche. Le mois prochain, elle attend son 2ème bébé, espérant que ce sera un petit Paul et je suis presque aussi anxieuse qu'elle de la voir débarrassée de son fardeau, nous en avons porté un ensemble il y a 2 ans... mais cette fois je ne lui tiens pas compagnie (thank God).
Jacques travaille assez bien, mais c'est dur pour lui et je me demande s'il sera "promoted" le mois prochain, c'est un "big event" pour les écoliers. Comprends-tu mon charabia ?
Mon tendre époux se joint à moi pour vous embrasser tous 3 de tout coeur et vous dire que nous pensons bien à vous et à votre beau pays.
Ta vieille soeur qui t'aime beaucoup.
Renée"

23 janvier 30 : Les voeux de François

"Dans les bois de Khatouat
Ma chère Jane,
Voici le portrait de ma
moukère, ta belle-soeur, que je t'envoie pour que tu me fasses des compliments sur sa grâce languide et son air fin. Je pense que tu vas l'encadrer pour le montrer bientôt à Melle Suzanne, afin de l'édifier sur les vertus de son oncle et parrain. Ceci fait, je te remercie bien de ta gentille carte et de tes bonnes pensées - mais c'était bien à moi de commencer à t'écrire. Seulement, je me suis aperçu après coup que je n'avais gère, dans ces 8 pages, parlé que de moi. Il est haïssable, c'est entendu, mais c'est ce qu'on connaît le mieux, alors les gens sans imagination en abusent Je t'en demande pardon et je te fais maintenant des compliments personnels. D'abord, j'ai oublié de te souhaiter un fils, quand tu en voudras un, bien entendu, mais je suppose qu'en ce moment, petite Suzie suffit à t'absorber ; il faut faire fortune et prendre une bonne, ou bien prolonger tes vacances et celles d'Henri. Et de vivre cent ans.
Je suis dans les bois, où je ne m'en fais pas... nous nous sommes couverts de gloire dans une battue aux sangliers, garde-toi bien d'en parler à ma mère, je lui dirai ça plus tard - et nous mangeons aussi du perdreau de temps à autre.
Maman m'a écrit 8 pages enthousiastes sur sa petite-fille, mais quel vide maintenant. Allons ! il faudra un peu plus souvent plaquer ton pauvre homme et apporter de la joie au vieux Vingt Huit et ses grandes personnes tristes.
A un de ces jours de plus amples bavardages.
Mille amitiés.
Kozak"

dimanche 3 août 2008

29 décembre 1929 : Jane est à Montchat

"Bonjour, mon vieil homme,
Je pense que tu te plais dans ton célibat, et qu'aujourd'hui dimanche va être pour toi un jour de rigolade et de bombance : cinéma, poules, etc. Profites-en avant de retomber sous le joug de ta méchante femme.
Ici on ne s'en fait pas, sauf qu'on aimerait à voir maman plus solide. Et a souvent des malaises, la nuit surtout.
Quant à Suzie, elle est charmante, donne la main à chacun, dit merci à grand-mère, envoie des baisers ; elle a même inauguré un salut avec la main à l'adresse de son oncle André, qui nous fait beaucoup rire.
Figure-toi que maman lui a offert une jolie petite voiture pliante. J'en suis ravie, comme tu le penses.
Marie-Louise m'a déjà fait une robe, elle est très chic. Mais si elle ne te plaît pas, tant pis.
Hier les Gabodjacky (1) sont venus. Tout le monde t'espère et te désire, disant que tu devrais bien demander jusqu'à lundi, puisque le samedi on ne fait pas grand'chose.
As-tu acheté du son pour les poules ? Donnes-en à Germaine avec des pâtes. Et n'oublie pas de donner un bon coup de balai si tu en as le temps. Pauvre homme !
Et laisse bien ta sale veste grise, etc. etc.
André confise avec rage, il est à la recherche d'un portail, et espère toujours son auto.
Et voilà tout le nouveau. Henriette et Charles Reignier doivent venir déjeuner le 1er janvier et les Dumas viendront l'après-midi.
Au revoir, mon brave homme. Je pense à toi de temps en temps. Et toi ?
Ici il fait peu froid mais humide. On sort Suzie de temps en temps dans sa voiture où elle se plaît.
On t'embrasse tous bien fort.
Fenon"

(1) : Gabriel Dumas, sa femme Odette, et leur fille Jacqueline