dimanche 22 février 2009

3 juin 1934 : Anna se réjouit pour sa fille

"Ma chère petite Jane,
Nous avons été tout heureux d'apprendre la décision de Mme Reignier qui allait vous permettre de jouir de votre fille pendant plusieurs mois ! Et maintenant, vous voilà sans doute réunis depuis hier, et nous avons bien pensé à votre bonheur de retrouver votre Suzie ! Nous espérons que le voyage n'aura pas trop fatigué ta belle-mère, et que le bon air va la remettre assez vite de l'indisposition qu'elle vient d'avoir ; nous le lui souhaitons de tout coeur.
Nous sommes bien contents de savoir que tu te plais à l'Abadie, que le jardin est agréable avec belle vue et bon air, et surtout que tu te sentes de mieux en mieux. C'est une grosse tranquillité pour nous.
Vous avez bien fait d'aller à Antibes pour les fêtes, et il est probable que vous aurez aujourd'hui la visite d'André, tout heureux de revoir sa famille.
Les pauvres G. Dumas n'ont toujours pas de chance, pas plus pour la santé que pour les affaires ; peut-être les verrez-vous plus souvent, étant plus près de Nice.
Ici, nous allons bien, et papa a été redemandé pour terminer le travail de liquidation. Comme il faut que tout soit fini fin juillet, il travaille matin et soir et déjeune au restaurant. En compensation, on lui a fait un peu espérer que son congé lui serait payé. Dans ce cas, peut-être prendrions-nous quelques vacances en septembre, si le travail est terminé, et en attendant de reprendre autre chose, s'il y a possibilité, espérons-le vivement.
Si nous pouvons nous absenter, il est certain que nous n'hésiterons pas à aller vous voir, s'il y a moyen de trouver une chambre à deux lits dans le pays. Mais tout cela est problématique, et nous en recauserons dans quelque temps. Nous espérons que l'été ne sera pas trop chaud, et que vous n'aurez pas à en souffrir.
Denise a eu les oreillons à la Bretêche, et sa mère est au lit avec grippe et excès de fatigue. Elles rentrent à Paris mardi et doivent passer le mois d'août à Morzine.
Nous sommes allés à Boulogne dimanche dernier et y retournerons sans doute dimanche prochain.
Il paraît que Violette D. va faire une saison à Vichy pour son foie, ayant eu une forte crise hépatique, et que Mme Dumas va venir à Paris garder les petites en son absence.
A part cela, rien de bien nouveau. Tante Fanny est toujours à la chambre avec sa jambe malade, et tante Angèle se fatigue beaucoup ; leurs vacances sont bien compromises, et elles n'ont pas de veine non plus.
Nos bonne amitiés à Mme Reignier et à tes belles-soeurs. Gros baisers aux deux chers petits.
Nous t'embrassons ainsi qu'Henri mille fois bien tendrement, ma chérie, et sommes toujours très affectueusement à vous.
A. B."

1er mai 1934 : André s'offre un jour de congé

"Mon cher Henri,
Je viens de bricoller à ma bagnolle, bavolets, ailes, etc... J'ai fait ça en cinq sept en dégoûtant, mais en devenant vieux et avec la dépréciation des vieilles bagnolles je suis tout à fait revenu d'"habiller un os".
Aussi est-t-il tard et je ne t'en dirai pas long. Le Kozak me charge de t'annoncer la naissance de Jacqueline (1), non-ayant ton adresse, et je te donne la sienne pendant que j'y pense : 3 rue Léonie Rouzade (tu parles !) Meudon S & O. Et si de toute évidence le K. eût voulu un mâle il est déjà tout apembri sur cette seconde pite fille... sa distraction va jusqu'à m'écrire : M. André Regnier (2).
Tout s'est très bien passé, la re-maman a tout l'entourage voulu pour que tout aille bien. Quand au K. lui-même il me dit avoir refusé enfin ! et hélas ! un nouvel hiver outre-mer et parle d'une mission dans les Basses-Alpes l'hiver prochain. Pour l'été, il iront à Bagnols Lozère... et ne me parle pas des 15 jours de concentration dont il était question dans la dernière lettre de Maman.
J'écrirai demain à Maman, je suis très en retard pour le faire, qu'ont-elles décidé ? Maman dans sa dernière lettre, vieille de 15 jours, m'exposait un horaire de voyage en quatre étapes : une matinée pour aller à Avignon déjeuner, un après-midi pour aller à Marseille, y coucher, une toute petite matinée pour joindre Toulon _ déj. un après-midi de Côte d'Azur pour débarquer soit à Antibes soit à Nice.
C'est un programme qui a ses avantages, il a le gros inconvénient de tenir Maman et les marraines hors d'un chez elles pendant longtemps avec tous les ennuis de salles d'attente, bistrot inconfortable, fumée, mâchurons, voitures d'omnibus, etc.
Ce serait tellement plus simple de prendre une couchette IIIème classe, les frais seraient les mêmes (supplément : une 40 - 50aine de francs) et la certitude d'avoir de la place et de ne pas voir les tunnels.
Je doute que vous ayiez déménagé dimanche en raison de cette mielle de pluie, vous avez dû aller faire un tour à l'Abadie, et j'espère que l'installation s'avance et que tu as trouvé une femme de ménage qui en faisant ça en "sa journée" vous aura évité à Jane cette fatigue à toi ce surcroît.
Irais-je vous dire bonjour dimanche ? J'ai bcp à faire dans mon jardin, il est de toute beauté en ce moment, je voudrais que tu visses ces enguirlandements de roses et ces cassons de petits pois.
J'envoie au K. ton adresse pour toute éventualité : HR, Lou Padre, l'Abie, A. M. - si c'est pas ça rectifie.
Là-dessus, je vais me coucher en vous embrassant bien. Ménage-toi.
Tante Aglaé
A propos de la beauté de mon jardin, je voudrais faire qq photos en couleurs, pour ce serais-tu assez bon pour me mettre de côté l'appareil du Kozak et si tu passais samedi devant un photographe à la hauteur tu m'achèterais 4 ou 6 plaques en demandant qq explications, SINON je m'en procurerai à Cannes l'un de ces jours."

(1) née le 25/04/34
(2) la technologie moderne ne me permet pas d'écrire le petit "i" que le Kozak a rajouté au dessus du "e"
Note : J'ai rajouté quelques virgules, mais tout le reste est d'origine, jargon lyonnais (?), abréviations et fautes d'orthographe...

mercredi 18 février 2009

12 avril 1934 : Préparation des vacances

"Ma chère Jane,
J'avais commencé à vous écrire avant-hier, mais après interruption, voyant que ma lettre ne pourrait partir ce jour-là, je vous ai vite adressé une petite carte pour que vous ne vous inquiétiez pas trop de mon retard. Suzie va très bien, et nous avons bien profité des magnifiques journées que nous avons eues avant Pâques. C'était la douceur et la beauté du printemps avec les arbres en fleurs, mais nous avons eu à la suite quelques petits orages qui ont fait des temps peu sûrs. Nos chères enfants sortent quand même et aujourd'hui notamment elles sont toutes trois à St Cyr.
Vos voici donc bientôt en route pour l'Abadie et vous paraissez contents de ce que vous avez trouvé, à part la question de l'eau. Nous espérons que les bons côtés de Sclos seront compensés par d'autres, et en tous cas la proximité de Nice et ses ressources vous seront précieuses. Les heures des cars vous seront-elles commodes et Henri gardera-t-il sa voiture comme en-cas ?
J'espère qu'André pourra vous prêter son secours pour le déménagement et que vous ferez tout cela sans fatigues et poussières. C'est déjà quelques chose d'avoir peu d'emballage à faire à Sclos et de trouver des caisses prêtes à partir d'Antibes, mais l'installation donne toujours assez de travail. L'appartement est-il en bon état de propreté et avez-vous facilement une femme de ménage ?
Pour nous vous nous direz s'il y a chance de trouver quelque chose ? Sur place et en parlant aux gens de l'endroit vous vous en rendrez mieux compte.
Si nous restons à Antibes, vous nous direz quels sont les moyens de vous rejoindre souvent, le temps qu'il faut, etc. ? Il y a bien toujours l'auto d'André (et la vôtre) mais il est si peu libre.
Marie-Louise est un peu inquiète, et se demande si vous voudrez bien lui laisser Suzie à Antibes, avec facilités pour vous de la voir souvent. La chère grande enfant qui craint tant les voyages redoute encore plus de se mettre en route si à l'arrivée elle se voyait privée de sa chérie petite. Elle comprend bien votre impatience de la voir, mais vous serez bien gentils de la comprendre aussi. Une séparation viendra bien trop vite pour elle, quoiqu'elle en sente aussi la justice. Enfin, n'en parlons pas par lettres, et dites seulement que vous pourrez nous laisser Suzie à Antibes, avec la possibilité de la voir souvent, je vous en serai vivement reconnaissante, mes bien chers enfants, et nous nous retrouverions ensemble le plus que nous le pourrions.
Suzie sera très heureuse de revoir papa, maman, et Jean. Elle ne vous oublie nullement, et parle souvent d'une chose ou l'autre que vous faisiez.
Rien de nouveau de Meudon, mais le temps approche tout de même, et j'attends une lettre ces jours-ci.
Je comprends bien tous les soucis de vos parents. Il y a toutefois une petite éclaircie chez votre soeur pour les affaires.
Merci pour le mandat et je mets de côté l'avance qui y est jointe. Pour l'oeuf de Pâques on trouvera quelque chose qui fera plaisir à la chère petite qui vous en remercie déjà.
Le petit attendu doit s'appeler Pierre. Si c'est une fille, Marie Nicole, du moins c'était en question. Melle Simone (1) est à Meudon depuis le 29 mars.
Je vais porter ma lettre à la boîte et vous y renferme toutes mes meilleures tendresses auparavant.
Maman"

(1) Soeur de Germaine

Allez, je ne vous en veux pas (trop)...

Merci à mes soeurs pour leurs commentaires, avec mention spéciale à la fidèle Hélène. S'il le faut, je continuerai pendant cinquante ans rien que pour elle !
Pour les autres, vous avez le bénéfice du doute...
Je saute donc à 1934, car rien de bien fracassant ne s'est produit depuis septembre 1933.
Après une année de lettres exclusivement dans le sens Jane/Henri vers l'extérieur, on retrouve l'autre côté des échanges.
Ce qu'il y a de bien avec Anna, c'est qu'elle se fait l'écho des lettres qu'elle reçoit, et qu'elle fait un rapport détaillé de tous les évènements passés ou à venir. Quant à Marie, elle semble une vraie mère-poule, tâchant de maintenir la cohésion et la bonne entente de la famille.
Je vous livrerai aussi un exemple de la prose d'André, souvent sans rapport avec ce qui nous occupe, mais que je trouve absolument délicieuse de cocasserie.

28 février 1934 : La vie continue

"Ma chère petite Jane,
Nous sommes contents de vous savoir toujours en bonne santé et sans rhume, et nous espérons que vous continuerez à être épargnés touts trois malgré les mauvais jours de février et même de mars dont il faut se méfier dans le midi.
Quant à Suzie, il faut espérer que sa toux va cesser avec un traitement et des promenades journalières ; mais on comprend très bien que Marie-Louise hésite à s'en séparer pour le moment ; ce sera déjà bien assez dur d'y renoncer l'hiver prochain !
Espérons que vous finirez par trouver un coin favorable près de Nice, avec une école pour les enfants, et quelques ressources. Nous pourrez au moins vous installer dans vos meubles, et le trajet sera moins coûteux et moins fatigant pour Henri.
Les François Reignier ne seront pas fâchés de se retrouver et de passer quelque temps chez eux à Meudon, car ils ne profitent guère de leur appartement ; mais tous ces déplacements seront bien compliqués maintenant avec deux enfants. (1)
J'ai su par Renée le prochain mariage de Pierre Dumas, les Paul ayant l'intention d'aller à Lyon pour la circonstance. Mme Reignier et ses filles seront sans doute de la fête avec Suzie !
Nous sommes allés à Boulogne dimanche dernier, l'après-midi, Renée nous ayant écrit que Pierrot avait la rougeole. Nous l'avons trouvé au lit avec une forte fièvre, mais sans aucune complication ; puis je l'ai revu mercredi, Renée devant aller chez le dentiste ce jour-là, j'ai gardé le petit malade qui était déjà beaucoup mieux et s'alimentait. Nous devons déjeuner avec eux dimanche prochain, Jean devant partir en voyage dans le courant de février. (...)
J'ai mis à la poste quelques suppléments de l'Illustration que tu recevras sans doute avant ma lettre.
Papa tousse moins depuis quelques jours, et moi, je suis à peu près débarrassée de mon rhume, mais le temps et toujours gris, froid et souvent pluvieux. Comme nous vous envions votre beau soleil ! Jean est plus privilégié que Suzie et vous devez être heureux de lui voir si bonne mine, au cher petit.
Gros baisers pour lui de grand-père et grand-mère ; et pour vous deux, mes chers enfants, toute notre affection, en attendant toujours de vos bonnes nouvelles.
Nous vous embrassons de tout notre coeur, mon Janot, et toi tendrement.
A. Beauser"


(1) Le deuxième enfant de Germaine et François est attendu pour avril

dimanche 8 février 2009

Bientôt un an !

Chers toutes et tous,
Un peu paresseuse ces derniers temps, un peu freinée aussi parce que les lettres de 1933 et 1934 sont mal classées, mélangées, et qu'il faut que je trouve du temps (et de la place) pour trier tout ça, lire, et choisir les plus intéressantes avant de vous les faire partager.
Je sais, parce que le compteur monte doucement mais sûrement, que vous êtes quelques un(e)s à me lire, et ça m'encourage à continuer.
Toutefois, certain(e)s n'ont peut-être pas remarqué le petit lien "Commentaires" en bas de chaque post, ou pas compris qu'en cliquant dessus, elles/ils pouvaient ajouter un... commentaire. La caractéristique d'un blog, et donc d'un partage avec le vaste monde de l'internet, c'est que ça marche dans les deux sens. L'humble transcriptrice (?) que je suis reconnaît qu'elle aimerait recevoir un peu plus d'échos sur son travail, voire de critiques ou d'informations complémentaires.
Pour fêter l'anniversaire de cet objet, prenez votre courage et votre clavier à deux mains (ou à deux doigts, comme vous le sentez). Commentez, commentez, il en restera toujours quelque chose !
Et, au fait, j'ai un peu laissé passer le temps, mais Bonne Année à toutes et tous !
Jane revient bientôt.