dimanche 13 septembre 2009

8 août 1936 : Jane est bien arrivée

"Mon cher homme,
J'espère que tu vas bien et n'es pas trop éprouvé par ta solitude. J'ai fait un bon voyage, bien tranquille jusqu'à Avignon, où il est monté, naturellement, le beau jeune homme attendu ; puis à Valence, 3 autres personnes. Je n'ai pas dormi, mais je me suis bien reposée. Le reste du voyage s'est bien effectué, et j'ai trouvé M. Louise, Marthe et les enfants à la gare de Grandris, qui m'attendaient avec une auto, l'autobus partant 30 ou 40 minutes plus tard, mais j'aurais bien attendu.
Mon impression sur le pays et la maison est très bonne. C'est plus accidenté que Bessenay et Montrottier. Nous avons fait une promenade agréable, hier tantôt, dans un bois. Les enfants ont cueilli des noisettes et joué près d'un ruisseau. Ils vont bien, ont assez bon appétit. Hier il faisait froid, nuageux. Aujourd'hui, beau et plus chaud. Ta mère est un peu enrhumée, une fin de rhume. Je vais bien, le voyage ne m'a pas trop fatiguée, malgré l'arrivée de l'effervescence.
J'espère que tu nous diras bientôt le jour de ton arrivée, pour qu'on aille t'attendre, et si tu penses voyager avec André.
Henriette viendra mercredi pour quelques jours. Elle couchera au village, parce qu'ici c'est trop juste, mais si André peut coucher, il y aura moyen de le mettre à la cuisine. Nous irons à Allières jeudi.
Voudrais-tu m'apporter : 1ent mon enveloppe de serviette, qui se trouve dans la petite table de la cuisine, 2ent deux ou trois cintres, 3ent un morceau de tissu beige des culottes de Jean (pour lui mettre des fonds) qui se trouve dans le meuble où je mets mes étoffes et ma couture. Tu apporteras bien une flanelle et ton pull-over gris.
Et voilà, sur ce je te quitte pour baigner le gamin. Ce matin, nous sommes allés chercher des légumes dans une ferme, promenade agréable, l'air est très bon, et fera grand bien aux enfants, les marraines ne demandant pas mieux que de les garder tout septembre.
Au revoir mon homme, donne-moi bien de tes nouvelles, et parle-moi de ton week-end. (...)
Je t'embrasse bien tendrement, 2 ou 3 fois. Bons baisers de toute la smala.
Ta femme"

Je n'ai pas trouvé de photos de Grandris, est-ce que Marraine en aurait dans ses albums ?

18 juillet 1936 : Les marraines sont à Grandris avec les enfants

"Ma chère Jane,
Je reviens vous donner quelques nouvelles de nos chers enfants, pensant que ces premiers jours de leur absence doivent vous paraître longs et un peu trop silencieux. Pour eux, ils sont pleins d'entrain et d'activité. Par bonheur, ils ont amené le beau temps que nous n'avions pas les premiers jours de notre arrivée et ils sont dehors toute la journée. Notre cour n'est pas très grande mais il y a de l'ombre tout le temps avec son tilleul et sa petite cahute ouverte, et l'air y circule bien.
Puis il y a les promenades qui font changer de place et de distractions. Jean était fou de joie l'autre jour au ruisseau et n'arrêtait pas de le traverser. Il y a aussi une petite chapelle sur la hauteur voisine. Il y a un calvaire et des bancs sous les arbres. Il y a de là une vue très étendue et un air délicieux. Enfin on n'a pas trop mal réussi comme situation.
Les taches de Jean sur les membres n'ont pas augmenté, elles sembleraient plutôt rosir un peu, mais Marthe l'a conduit au Dr quand même et celui-ci n'a pas su dire grand'chose sinon que ce n'était pas grave et aurait pu être produit par des sels d'argent...
Marthe a montré alors le tube et la pommade, il n'a pas dit grand'chose et croit qu'on peut la continuer. Si vous avez pu demander à votre oculiste ou lui écrire, vous saurez mieux sans doute ce qu'il convient de faire et nous surveillerons les taches.
D'ailleurs ce cher petit va bien. Il ne mange pas mal, dort bien, s'amuse bien, ne manque pas de malice avec sa soeur qui lui rend sa part, mais cela n'est pas constant et d'autre fois ce sont les meilleurs amis : A présent ils jouent au coiffeur et s'entendent gentiment. Comme vous le disiez la tache de l'oeil est difficile à voir et nous pouvons être heureux après tant d'angoisses d'avoir été bien protégés dans le fond des choses.
J'ai reçu une longue lettre d'André, enfin ! Le pauvre ne s'est même pas rendu compte du temps qui passait sans écrire. Il a une vie incroyable de successions de travaux, donnant foule de détails à l'appui. Enfin il dit qu'il viendra nous voir pendant ce mois d'août entre telles et telles occupations un petit peu moins urgentes. Vous le verrez je crois vers le 26 après les épreuves d'Henri ? Les Quinat ont été furieux du manque de soutien, peut-être était-il prématuré et oublié ? Espérons que tout ira mieux cette fois par la seule valeur du candidat, si le reste fait défaut. (1)
Voici que Suzie plante les 7 arceaux qui restaient de notre vieux jeu de croquet, pour faire une partie avec Jean et peut-être Marraine. Il restait 5 ou 6 boules plus ou moins rondes, mais le tout fait encore merveille.
Je pense que cette lettre pourra partir à 5 heures, et je la remplis de toutes nos tendresses. Nous parlons bien ensemble de Papa et Maman.
Maman"

(1) Apparemment, Henri a échoué à l'écrit pour 1 point, en dépit du piston demandé à M. Quinat qui avait eu un poste élevé dans l'administration. Il va passer un oral en août.