dimanche 11 octobre 2009

25 août 1936 : Après le passage d'Henri, les vacances continuent

"Mon cher vieil homme,
J'ai reçu hier ta 1ère lettre, ce matin la seconde. Je suis donc vernie. Je te remercie d'abord pour tes déclarations d'amour et de fidélité, ensuite pour les détails que tu me donnes sur ta vie quotidienne. Je suis contente d'apprendre que ton mal de gorge s'est vite passé, et j'espère et souhaite que tu n'en aies pas trop marre de faire ta "bectance". Sinon télégraphie-moi. Tu sais que le but de ma vie est de travailler à l'arrondissement de tes formes esthétiques.
Donc, j'ai écrit hier à mon cher père dont j'ai presque failli oublier la fête. Pauvre de moi !
Aussi, j'ai reçu ce matin une lettre délicieuse de cette chère tante Angèle (1), m'invitant à Villefranche pour le 3, ou le 4, ou le 5. (...) Je vais lui écrire que j'irai le 3 avec les gosses. (...)
Dimanche nous avons eu Thérèse (2) et son mari, aux deux repas. Journée animée, Herbert était charmant et un peu excité. Il n'a pas arrêté de chahuter avec les gosses. Leurs enfants sont en Haute-Loire, à 800 m, avec les grands-parents et Hélène, dans une maison de 8 pièces, bien située. Il ont cueilli beaucoup d'airelles, de quoi faire 15 pots de confiture. Odette est à 10 km, avec Alberte. Elle y passe un mois. Pendant ce temps, Gab a une f. de ménage qui lui prépare ses repas et il a aussi une bonne crèmerie.
Nous allons bien. Ta mère était un peu fatiguée ces derniers jours ; aujourd'hui elle va bien. Quant à Marthe, elle a eu encore la migraine pendant 1 jour 1/2 ; assurément elle n'a pas bonne mine, mais elle dit qu'à part quelques migraines de temps à autre, et un peu de palpitations, elle ne va pas mal. Je ne sais pas trop qu'en penser. Il est certain que leur existence sans but est peu gaie, et qu'elles sont trop restées des petites filles soumises, alors qu'elles auraient besoin de tout autre chose... Il me semble que j'en serais morte ou que j'aurais pris mon vol.
Pour parler d'autre chose, n'aurais-tu pas emporté par mégarde, avec du linge sale, une paire de chaussettes beiges à Jean, toutes neuves ? Leur disparition me déconcerte.
Les travaux du puits sont toujours en cours. Les maçons l'ont vidé à la pompe, pendant des heures, et ils vident le fond au seau, un homme puisant au fond du trou. Hier, ils étaient furieux contre le propriétaire qui n'a pas voulu mettre la pompe des pompiers, parce qu'il fallait six hommes. Chaque fois qu'il vient, il trouve toujours qu'on en fait trop. Encore un à pendre la prochaine fois.
Il fait très beau, plutôt chaud dans le milieu du jour. Au revoir, mon homme, dis-moi bien si tu es fatigué, si tu as beaucoup de travail à l'usine. Je peux très bien rentrer plus tôt. Je t'embrasse plusieurs fois bien fort. Bons baisers de tous."

(1) Rosenthal, amie très chère d'Anna
(2) Dumas, épouse Biass

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Merci pour cette lettre qui dévoilent par quelques commentaires, un peu plus que des nouvelles classiques :
- une jolie formule pour désigner le but des travaux culinaires de grand-mère ;-)
- une reflexion sur la vie des marraines : existence sans but et peu gaie...de petites filles soumises...

Eh oui, pour les filles, c'était une époque où sans mariage, point de salut...

Bises

Hélène