dimanche 22 février 2009

1er mai 1934 : André s'offre un jour de congé

"Mon cher Henri,
Je viens de bricoller à ma bagnolle, bavolets, ailes, etc... J'ai fait ça en cinq sept en dégoûtant, mais en devenant vieux et avec la dépréciation des vieilles bagnolles je suis tout à fait revenu d'"habiller un os".
Aussi est-t-il tard et je ne t'en dirai pas long. Le Kozak me charge de t'annoncer la naissance de Jacqueline (1), non-ayant ton adresse, et je te donne la sienne pendant que j'y pense : 3 rue Léonie Rouzade (tu parles !) Meudon S & O. Et si de toute évidence le K. eût voulu un mâle il est déjà tout apembri sur cette seconde pite fille... sa distraction va jusqu'à m'écrire : M. André Regnier (2).
Tout s'est très bien passé, la re-maman a tout l'entourage voulu pour que tout aille bien. Quand au K. lui-même il me dit avoir refusé enfin ! et hélas ! un nouvel hiver outre-mer et parle d'une mission dans les Basses-Alpes l'hiver prochain. Pour l'été, il iront à Bagnols Lozère... et ne me parle pas des 15 jours de concentration dont il était question dans la dernière lettre de Maman.
J'écrirai demain à Maman, je suis très en retard pour le faire, qu'ont-elles décidé ? Maman dans sa dernière lettre, vieille de 15 jours, m'exposait un horaire de voyage en quatre étapes : une matinée pour aller à Avignon déjeuner, un après-midi pour aller à Marseille, y coucher, une toute petite matinée pour joindre Toulon _ déj. un après-midi de Côte d'Azur pour débarquer soit à Antibes soit à Nice.
C'est un programme qui a ses avantages, il a le gros inconvénient de tenir Maman et les marraines hors d'un chez elles pendant longtemps avec tous les ennuis de salles d'attente, bistrot inconfortable, fumée, mâchurons, voitures d'omnibus, etc.
Ce serait tellement plus simple de prendre une couchette IIIème classe, les frais seraient les mêmes (supplément : une 40 - 50aine de francs) et la certitude d'avoir de la place et de ne pas voir les tunnels.
Je doute que vous ayiez déménagé dimanche en raison de cette mielle de pluie, vous avez dû aller faire un tour à l'Abadie, et j'espère que l'installation s'avance et que tu as trouvé une femme de ménage qui en faisant ça en "sa journée" vous aura évité à Jane cette fatigue à toi ce surcroît.
Irais-je vous dire bonjour dimanche ? J'ai bcp à faire dans mon jardin, il est de toute beauté en ce moment, je voudrais que tu visses ces enguirlandements de roses et ces cassons de petits pois.
J'envoie au K. ton adresse pour toute éventualité : HR, Lou Padre, l'Abie, A. M. - si c'est pas ça rectifie.
Là-dessus, je vais me coucher en vous embrassant bien. Ménage-toi.
Tante Aglaé
A propos de la beauté de mon jardin, je voudrais faire qq photos en couleurs, pour ce serais-tu assez bon pour me mettre de côté l'appareil du Kozak et si tu passais samedi devant un photographe à la hauteur tu m'achèterais 4 ou 6 plaques en demandant qq explications, SINON je m'en procurerai à Cannes l'un de ces jours."

(1) née le 25/04/34
(2) la technologie moderne ne me permet pas d'écrire le petit "i" que le Kozak a rajouté au dessus du "e"
Note : J'ai rajouté quelques virgules, mais tout le reste est d'origine, jargon lyonnais (?), abréviations et fautes d'orthographe...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Formidable lettre, on croirait entendre oncle André parler, ou certains contemporains de papa.

Les expresssions sont amusantes à traduire :
"il est déjà tout apembri" = il est complêtement fou (ou marteau) pour notre génération, et grave dingue pour la génération suivante...

idem à deviner pour "tout l'entourage voulu", "qu'ont-elles décidé ?", "il est de toute beauté", et le magnifique "je voudrais qu tu visses ces enguirlandements de roses" !

Merci pour ce petit bijou, à relire et à déguster...

Bisous