samedi 14 juin 2008

Les vacances de Jane

Premier été de la jeune mariée, dans une situation intéressante, je le rappelle. Les Marraines sont allées s'installer chez André, à Graves-sur-Anse (Rhône), où il est agriculteur ; Jane les rejoint pour trois semaines avant d'aller voir ses parents à Paris. Elle quitte donc son mari tout neuf pour la première fois, et va lui écrire très souvent.

"Graves, mardi matin (24/07/1928)
Mon cher petit loup,
Si tu savais comme on dort bien ici ! Il est 7 heures. Je t'écris dans mon lit. Ma chambre est au 1er étage de la petite maison du bas, à côté de la cellule vide réservée pour François. Les Marraines ont trois petits lits jumeaux dans la chambre du bas. Nous avons fait un excellent voyage. Marthe était à l'autobus. Toujours charmante et bien travailleuse, cette enfant. Elle et Marie-Louise m'ont monté mon lit hier soir en arrivant, un superbe lit donné par Marie-François. Figure-toi que les vis ne voulaient pas rentrer et les pauvrettes s'en sont vu. Puis on a fait les lits de toutes, dîné. Je suis allée ensuite avec Marthe chercher le linge d'André chez la blanchisseuse et, au retour, le maître était là. Un gentil maître, mais combien maigri et fatigué. Il est en pleines moissons et amène des hommes à Marthe aux repas. Aujourd'hui il en aura 5. Ils vont battre, et il espère que cette semaine ce sera fini et qu'il pourra se reposer un peu la semaine prochaine.
Les marraines sont bien gentilles et je suis contente d'être avec elles, mais je pense à toi beaucoup et je t'aimerais ici au bon air avec nous pour longtemps. Je me suis réveillée plusieurs fois cette nuit et j'ai pensé à l'homme qui roulait.
Mon pauvre petit loup !
J'aimerais à te savoir, en ce moment, dormant profondément dans notre grand lit à Nice. Mais sans doute as-tu chaud, il fait trop jour pour dormir et tu penses bientôt au travail. Méchant homme !
Tu me diras bien, j'espère ce matin, comment ton voyage s'est effectué, si tu n'as pas été fatigué à nouveau, et puis aussi si la boîte était remplie de lettres. J'attendrai tous les jours un mot de toi, oh ! un tout petit mot, n'écris pas longuement, couche-toi tôt, dors beaucoup, mange bien, etc. et pense à ton petit brin qui t'aime tant.
Et maintenant j'entends les Marraines qui s'éveillent. Je vais me lever, faire ma toilette ici dans ma chambre où Marthe a installé tout ce qu'il faut. J'aime beaucoup cette petite fenêtre carrée placée en face du lit. On voit si loin et c'est bon de respirer au calme.
Tu y viendras le plus longtemps possible, n'est-ce pas ?

Sitôt prête j'irai mettre ma lettre sur la route. Pardonne-moi ce gribouillage, j'ai une crampe.
Je t'embrasse tendrement et je t'aime plus que tout."

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