mercredi 22 octobre 2008

15 juillet 1932 : Les mondanités de Jane



"Ma chère maman,
Votre bonne lettre nous a fait un grand plaisir, et nous avons été heureux de voir comme Suzie écrit bien. Vous avez dû beaucoup peiner pour arriver à ce résultat, et nous vous remercions beaucoup, pour son âge, c'est très joli.
J'ai l'intention de partir mercredi matin, à 7 h 20, puisque de cette façon je n'aurai pas à attendre l'autobus. J'emporterai à Jean-Jean 2 bouillies de phosphatine dans le thermos que m'a prêté Odette, et je tâcherai de le faire dormir dans le hamac tout neuf qui avait été acheté pour Jacky, et qu'elle n'a jamais aimé.
J'emporterai la petite voiture avec le parc, aussi une toile cirée et des farines qui me restent et qui s'abîmeraient ici, avec la chaleur.
Nous allons bien tous les trois. Jean-Jean (le "chaton" comme dit Henri) est bien mignon. Il apprend à montrer ses cheveux, ses yeux et son petit nez, en se trompant très drôlement. Il essaye de dire beaucoup de choses, par exemple "eh ! mais, oui" souvent à propos. Il nous tarde de voir Suzie avec lui. Je m'attends encore à ne plus reconnaître ma fille, comme il y a un an...
Nous venons donc d'être plus mondains que jamais. Dimanche dernier, il est venu les Joseph (1) avec les Gabriel ; puis lundi, comme Joseph avait été acquitté (2), il nous a offert un bon déjeuner au restaurant, avec les Dumas. Ensuite, mardi, les Vincent sont venus un instant, et nous les avions à déjeuner mercredi. Nous formions une bande très en train, grâce à leur simplicité amicale.
Jeudi, hier, pic-nic (sic) charmant chez André, bonne partie de baignade et de ballon à Juan-les-Pins, et souper encore chez André : nous sommes rentrés à 10 heures, juste pour assister au feu d'artifice promenade des Anglais.
Le temps était superbe, le ciel lavé par les grosses pluies de samedi de mercredi. Ce matin, il a plu encore, très peu, et en ce moment le ciel est d'un bleu sans tache. J'ai fait un peu de lessive tous ces jours-ci. (3) Heureusement qu'on a un lavoir, car depuis quelque temps, l'eau manque souvent sur l'évier, et ça complique bien mon travail. Il faut aller en chercher tous les jours de la propre, et Jean-Jean est un peu privé de bains.
Dimanche, les Gabriel viendront encore nous chercher l'après-midi, pour aller à la mer. C'est donc ma dernière lettre, chères marraines. Je suis heureuse à la pensée de vous revoir bientôt toutes les quatre, et vous embrasse, pour nous trois, bien tendrement.
Bonnes nouvelles de Paris, c'est le plein moment de l'installation.
PS : Jean-Jean prend environ 1 litre de lait par jour. Il mange bien la semoule au bouillon de légumes."


(1) Mouterde
(2) Suite à l'accident au cours duquel il avait renversé le cycliste Minelli
(3) Admirez l'association d'idées...

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