vendredi 21 novembre 2008

23 février 1933 : Jane se sent moins seule

"Chères marraines,
Merci de me donner aussi souvent des nouvelles de mes petits. C'est toujours un bonheur pour moi que d'entendre parler d'eux, et surtout de connaître les progrès de Jean. Maman (1) me dit qu'elle l'a trouvé bien, et j'en suis bien contente. J'espère que Suzie ne tousse presque plus. Il faudrait un temps meilleur afin qu'elle puisse sortir. Même s'il fait un peu froid, une courte promenade tous les jours lui ferait du bien, si elle est bien habillée.
Maman vous écrira bientôt. Elle a fait un bon voyage. Je la trouve bien. Henri l'attendait au train, ils ont pu causer un bon moment en déjeunant, et elle est arrivée ici à 10 heures, saluée par la neige que nous étions tout surpris de voir tomber pour la 1ère fois de l'hiver. Heureusement, ce matin elle était fondue, et le soleil a tout séché. J'ai pu rouvrir ma fenêtre toute la journée, et nous avons fait deux petites promenades.
Je me sens bien, vous savez que j'ai pris 1 kg 300 en 12 jours ; si ça continue, je vais faire éclater mes robes. Comme autres détails concernant ma personne : je ne tousse pas, mange bien, ai 37,2. En somme, cas peu grave.
Sur les conseils de maman, je fais un peu plus de chaise-longue. C'est la barbe, mais résignons-nous. Maman tient à m'emmener chez le docteur Berthier, de Grasse, qui avait soigné Papa. Nous voulions y aller aujourd'hui, mais le docteur ne pouvait nous recevoir qu'à 4 h 1/2, et le dernier car ou train est à 4 h, pour rentrer. Nous avons donc pris rendez-vous pour mardi à 2 h 1/2.
Maman couche dans une chambre au-dessus de la mienne, ce n'est pas plus cher, et on dort mieux chacune dans son coin.
Elle me charge de vous remercier beaucoup pour votre accueil si affectueux, se demandant où a bien pu coucher Marthe. C'est vrai, au fait, comment avez-vous fait ?
J'attends mon homme, samedi à 3 heures. Il laissera tomber le déménagement (2) et y travaillera mardi tantôt à la place, ce qui lui évitera un voyage ici. Ces trajets en car sont fatigants, et le train met plus longtemps. Et, par comble de malheur, avant-hier, à 4 heures du matin, quatre cars qui faisaient le service de Nice, et des meilleurs, ont pris feu dans un garage situé tout près de la pension. Nous avons eu un spectacle impressionnant, et tout le pays était en émoi.
Et comment allez-vous, chères marraines ? Les enfants ne sont-ils pas très turbulents ? Poussent-ils des cris stridents ? Vous fatiguent-ils ? Je pense que oui, mais sans doute ne voulez-vous pas le dire.
Je suis bien contente d'avoir Maman, le temps passe plus vite, et on a beaucoup de choses à se dire.
Avez-vous de bonnes nouvelles des François ? J'espère que nous verrons André dimanche. Si nous pouvions souper tous les 4 ensemble, ce serait bien bon. Sinon, il faudra qu'Henri reparte à 5 h 1/2 ou 6 heures.
Au revoir, chères marraines. Je vous écrirai après la visite au docteur, à moins que Maman vous apporte elle-même les nouvelles puisqu'elle pense partir mercredi ou jeudi.
Nous vous embrassons bien affectueusement. Merci de bien soigner les enfants que j'embrasse de tout mon vieux coeur.
PS : Pourriez-vous m'envoyer un patron de pull-over à manches courtes pour Jean ? Je lui ferai avec un reste de laine beige et blanche."


(1) Anna est descendue en s'arrêtant à Lyon. Enfin, elle s'est décidée à laisser son mari et sa mère, et à braver les éléments pour venir s'occuper de sa fille. Il est vrai que désormais, Renée est dans les parages.

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