mardi 8 avril 2008

28 octobre 1927 : Dans le train

"Vendredi - 11 h 1/4
Dans le train, mon cher Henri, avec de nombreux cahots que vous comprenez et excusez.
Figurez-vous : un imprévu, une rencontre sur le quai de la gare de Lyon ce matin : Herbert ! (1) Il m'interpelle : Hello, Janette ! Vous jugez de mon étonnement. Nous sommes donc assis côte à côte, nous avons déjà beaucoup bavardé, en français, en anglais, et de vous.
Je suis heureuse, mon ami, ce voyage débute bien. Je ne m'ennuie pas, je suis déjà en pays de connaissance, et il fait un temps merveilleux. Nous venons de prendre une tasse de thé délicieuse, et irons tout à l'heure faire un somptueux festin en pensant à vous, en causant de vous. Herbert B. est un nice fellow ; il est delighted de m'avoir rencontrée, c'est réciproque.
A Lyon, il fera beau, je trouverai Thérèse et vos soeurs, à l'extérieur de la gare, sur le palier d'où partent les deux escaliers. Et je n'ai pas eu votre carte, je rage en pensant à mon concierge qui la possède, mais maman me la fera suivre et je l'aurai demain, avec une autre ? Yes, I hope so.
Je voudrais vous savoir bien portant, dispos, heureux. Herbert m'a rassurée comme je lui confiai mon inquiétude au sujet de votre fatigue. Il me dit ressentir lui aussi ces tourments aux changements de saison et dit que ça passe. Aussi chassé-je donc presque ma préoccupation et je pense déjà au nice time que nous allons avoir ensemble.
Je suis heureuse, mon ami chéri. Heureuse à la pensée de vous revoir, de me laisser embrasser tendrement par vous dimanche matin, heureuse en pensant à notre réunion pendant ces quelques jours. Il faudra que nous fassions une ample provision de souvenirs très doux, ineffaçables, afin qu'il nous tiennent compagnie dans notre prochaine solitude.
Cette lettre vous arrivera vite, je l'espère. Elle va filer sur Marseille par ce même train.
Avez-vous fait, ou commencé, votre valise, déjà ? N'oubliez rien, je me verrais obligée de vous prêter une partie de mon attirail : une brosse, par exemple, des pantoufles (elle ne vous iraient pas), un savon Gibbs (non, je n'oserais jamais). Je plaisante, mon ami, ne me grondez pas, soyez content de votre petite chose comme elle est joyeuse, heureuse, radieuse.
Elle vous aime avec tout son coeur, vous souhaite un bon voyage, beaucoup de sommeil, et vous embrasse, comme vous voulez.
Janette"


(1) Herbert Biass : mari de Thérèse ? lien de parenté ? (Je compte bien sur PH pour combler mes lacunes, en attendant la mise à jour dans un mois à Avignon)

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