mercredi 24 septembre 2008

23 janvier 1932 : Mauvaises nouvelles de M. Louise

"Mon cher Henri,
C'est tout de suite que j'aurais voulu répondre à ta bonne lettre et te dire : "Viens chercher M. Louise", mais quoiqu'un peu mieux sous le rapport du sommeil, elle passe encore des moments pénibles et ne se sent pas bien solide pour un si grand voyage. Les paroles encourageantes lui sont cependant bien sensibles et elle souffre de laisser croire peut-être qu'elle y est indifférente, mais non, tu la connais assez pour savoir qu'elle serait heureuse de passer quelques semaines près de vous, de voir qu'elle peut aider à Jane et de jouir de ces deux petits qu'elle aime comme s'ils étaient siens ; seulement elle a peur d'être malade, de laisser tant de kilomètres entre nous. Elle redoute de sortir seule, de rester seule à la maison pendant qu'elle voudrait faire sortir Jane.
Cet état d'angoisses est pénible plus qu'on ne saurait croire. Elle se sent entravée pour vous dire : "Je pars", et aller de l'avant tandis qu'elle en a bien envie. Ces angoisses sont bien connues et peuvent se guérir, en ayant le genre de vie qu'elle souhaite depuis si longtemps et qui amènerait la paix, en dépit des contrariétés qui se rencontrent dans toutes vocations. Tous ces retards à trouver une situation aimée l'éprouvent et amoindrissent des richesses tenues en réserve. Il lui faudrait être fixée par l'intérêt d'une chose à diriger où elle emploierait ses forces, ses facultés, ses initiatives, et c'est avant tout une famille à élever qui serait l'oeuvre intéressante. A défaut il y a sans doute des choses captivantes mais qui ne l'attirent pas autant. Satisfaite dans ses goûts et malgré bien des labeurs peut-être, ses malaises s'en iraient progressivement. Vous comprenez bien cela tous les deux mais comme ces choses peuvent paraître bizarres à beaucoup de personnes, je vous demande avec instance de les garder pour vous seuls.
Maintenant je ne peux pas vous dire absolument que M. Louise ne se trouvera pas un jour prochain en meilleures conditions pour aller vous rejoindre, mais alors nous vous avertirions peu d'avance. Et je pense, d'autre part si Melle J. rencontrait ce compagnon de choix que nous désirons, ce serait peut-être aussi le signal du voyage et d'un petit séjour près de vous.
Pour les autres projets, il doivent ce me semble se greffer sur celui-ci. Tu connais mon désir d'être près du plus grand nombre de mes enfants, mais ce sont les plus éprouvés qui attirent le plus et demandent le plus de soutien.
L'annonce que nous avons faite pour la maison n'a amené que deux personnes qui trouvent le prix trop élevé. On pourra renouveler l'avis 2 ou 3 fois ou bien chercher à louer le tout, mais alors on manquerait l'un des buts qui est d'éviter des frais de transmission pour plus tard.
Toutes ces incertitudes sur des sujets importants nous pèsent beaucoup. Il n'y a que le Bon Dieu qui puisse nous tirer de ces impasses, car nos essais ont bien souvent échoué et nos moyens sont faibles, mais je demeure confiante en la Providence et vous demande de prier un peu avec nous pour que nous soyons fortes.
Je vois sous un beau soleil la villa familiale de tes rêves et me demande si nous en sommes près ? En attendant, nous sommes bien rapprochés dans l'union de nos coeurs.
Nous attendons les photos annoncées et nous en réjouissons à l'avance. Jean aura bien prospéré et Suzie bien drôle (sic). Je voudrais bien entendre tout ce qu'elle dit et causer avec elle. Je parie qu'elle attend sa grand-mère pour ne plus oublier la lettre E. J'aimerais tant à lui enseigner quelques choses, comme je le faisais avec vous. C'est un vieux rêve qui reparaît.
J'espère que Jane va bien et reprend toutes ses forces en étant dehors davantage et en voyant pousser de si beaux enfants.
Je suis contente des détails que tu me donnes sur André ainsi que de son bel entrain et de son état de santé.
J'ai pu aller cours Lafayette dimanche jour de baptême : François est venu nous prendre en auto et Albert nous a ramenées. Le père Rivet était venu et nous étions aussi nombreux qu'ici le 2 janvier. Rien de nouveau pour Constance.
Mille tendresses mes chers enfants et petits-enfants pour moi et vos soeurs.
Maman"

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