dimanche 8 mars 2009

15 décembre 1934 : Suzie fait des affaires et prend des leçons

"Ma chère Jane,
Votre longue lettre nous a bien fait plaisir car on n'a jamais trop de détails sur son cher monde. La santé est bonne pour tous et j'espère que vous n'aurez pas pris froid en allant chez André par le mauvais temps si humide et dans une installation si précaire. Enfin cela changera vite avec toute l'activité qu'il déploie, le pauvre enfant. Il se sent libre à présent et ce lui sera un dédommagement dans ses durs travaux de mise en train. J'espère que cela prendra vite bonne tournure pour peu que le temps soit favorable. Il a un bon ouvrier pour lui aider et c'est déjà beaucoup. J'espère que malgré tous ses travaux il ne se négligera pas trop lui-même et qu'il ne continuera pas à maigrir. Quelques bons espoirs à la clé et les soucis diminueront, pensons-le.
Nous avons comme vous un temps très doux depuis le départ d'André et notre poêle installé en haut nous chauffe très largement, quelquefois trop, mais viennent les températures de gelées et cela changera. Avez-vous vu enfin arriver votre charbon ? Je demande cela plus pour la tranquillité de le savoir là, que pour le besoin présent. Vous pouvez au moins par ce temps-là continuer vos bonnes petites promenades qui peuvent devenir peut-être un peu monotones mais qui font tant de bien quand même.
Jean-Jean doit les aimer pour se changer de distractions. Aime-t-il toujours le pain ? Je le pense et cela me fait plaisir. Il doit prendre maintenant ses deux repas avec vous et être entraîné à manger de tout ce qui se présente. Mange-t-il un peu plus de viande, ce ne serait pas mauvais à présent ? et sa farine jaune, sa préférée, en veut-il ? On pourrait bien lui en envoyer comme l'année dernière. Et tandis qu'on parle de lui, pourrait-on savoir, comme jouets, ce qui l'amuserait bien en ce moment ? Sa marraine voudrait trouver quelque chose qui lui procure beaucoup d'agrément, et cherche à deviner les goûts du petit homme en ce moment.
Vous avez eu par André de bonnes nouvelles de Suzie, c'est pourquoi je ne vous en parle pas plus vite. Elle va toujours bien ; elle a pris 1 kg 150 environ depuis l'Abadie. Elle a eu beaucoup de succès à la vente de la paroisse, il y a quelques jours. On avait demandé à ses tantes de l'amener et elle a vendu avec beaucoup de grâces, pour 25 fr. nombre de petits objets qu'elle promenait dans une corbeille à travers la salle, et elle a dit qu'elle avait insisté auprès de plusieurs dames pour les décider. M. le Curé lui-même lui a acheté un sucre d'orge qu'il lui a laissé pour son compte, mais elle ne l'a compris qu'après coup, et l'a laissé dans la corbeille ; mais elle a eu d'ailleurs plusieurs petits profits amusants.
Nous continuons bien régulièrement nos petites leçons, mais on n'arrive pas encore à la lecture courante et elle écrit toujours plus vite un mot qu'elle ne le lit. Souvent elle lit une syllabe à l'envers, "in" c'est "ni" par exemple, mais il paraît que Marco faisait bien cela un certain temps. Nous lisons des leçons de choses qui l'intéressent avec toutes les explications que cela comporte. (...)
André vous aura dit sans doute que je lui avais confié quelques titres pour déposer à la Banque de France à Nice ou Antibes, je ne sais, afin d'avoir un prêt d'argent par ce moyen. Parmi ces titres il y en a un qu'on n'a pas pris, bien que très bon, alors j'ai pensé qu'en prenant ce titre chez vous, vous pourriez si cela ne vous gène pas, en ce moment (ou un peu plus tard), prêter 500 fr. dessus à André. Il en vaut actuellement un peu plus, mais peut être remboursé à 500 fr. un jour ou l'autre. Vous auriez le titre et en toucheriez les intérêts : 7 % pour le temps que vous l'aurez, ou peut-être vous le laisserai-je définitivement. (...)
Très pressée par nos filles qui sortent, je vous envoie toutes nos meilleures tendresses.
Maman"

Aucun commentaire: