lundi 25 février 2008

26 août 1927 : Morceaux choisis d'Henri à Jane

(...) Si vous étiez, en ce moment, ma visiteuse, assise en face de moi dans ce fauteuil de rotin, meuble le plus élégant de ma pseudo-salle à manger, je suis sûr que vous chasseriez toute velléité d'idée noire, car je vous raconterais - n'importe quoi - mais de quoi rire - peut-être de moi - tant mieux.
(...) Dear Old Thing, (là, ça y est) je viens tout à coup de réaliser (comme dit Paul Bourget) que ce n'est plus du tout une corvée de vous écrire.
(...) Histoire d'un voyage à Paris : Il était une fois un homme, ni jeune ni vieux, ni bon ni mauvais, ni sot ni malin qui entassait les jours sur les jours, machinalement, sans savoir comment, sous le regard du soleil du Bon Dieu. (...) Mais il n'était jamais allé à Paris. C'était un scandale. Cette idée le tourmentait, doucement. Il se trouvait aussi que l'homme vécût seul, n'ayant jamais rencontré la femme selon son coeur ou n'ayant eu jusqu'ici l'autorisation de convoler. (...) C'est à ce moment que la cousine de l'homme lui écrivit : "Vas à Paris, par Jupiter, et vois ma petite amie. Je sais que tu es de la famille et ne t'emballes guère. Elle ne se croira pas plus engagée que toi par une innocente promenade au Bois." - "Ma cousine, répondit l'homme, tu as des idée de génie. Je t'ai toujours aimée et estimée, mais cette fois je te révère. Sans toi je n'eusse jamais connu Paris... et ton amie". L'homme fit sa valise pêle-mêle (...) et il prit le train pour Lutèce, songeant d'avance aux merveilles de la capitale et un peu, aussi, à la belle inconnue qui daignait l'attendre. (...) Et l'Inconnue prit l'homme par la main et lui fit visiter Paris. C'est l'homme qui expliquait - l'aveugle et le paralytique. C'était touchant.
L'homme souriait par-dedans et il ne questionnait pas l'Inconnue. Il répondait beaucoup et rêvait un peu.
(...) Ne vous étonnez pas trop de l'incohérence de cette lettre écrite à toute vapeur. Faites de même. Dites-moi si je vous choque ou si je vous fais rire et redites vous que je suis
Sincèrement vôtre.
Henri Reignier"

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