lundi 10 mars 2008

20 septembre 1927 : Henri est dans le train du retour

"Ma chère Jane,
Il fait un peu de soleil. Nous sommes en ce moment arrêtés sur le pont du Rhône. Il ferait beau sans cette brume qui ne permet pas de voir plus loin que le Pont de la Guillotière. Vous voyez, à mon écriture, que le train roule maintenant tout à fait. Quand nous nous sommes séparés, j'ai essayé de vous faire signe encore par la portière du compartiment, mais le train démarrait trop vite, je ne vous ai plus vue. (...)
Quel cauchemar cette pluie à Paris, et quel autre cauchemar ce métro avec une valise, un parapluie, un manteau et un chapeau !
Au lieu de cela, imaginez cette descente dans la vallée du Rhône en plein soleil (nous avons passé Vienne), dans un compartiment pas trop peuplé, où il y a précisément votre place libre à côté de la mienne.
Il faudrait que le paysage se décrive tout seul comme il défile, ou que je n'écrive pas. Car si j'écris, je me prive de voir - pour vous. Il vaudrait mieux, décidément, que vous soyez à côté de moi en ce moment. Il nous faudra prendre ce train quand vous viendrez habiter à Nice. Oui. (...)
Je suis heureux que nous nous soyons quittés sur des positions nettes. J'étais venu pour cela. Nous nous sommes promis l'un à l'autre, c'est très bien. Seulement je n'ai pas assez pensé à ma mère. Je vais la mettre en face d'un fait accompli sans lui avoir jamais demandé son avis. Ce n'est pas très respectueux, ce n'est même pas le fait d'un fils aimant. Vous aimez votre mère, vous pensez donc comme moi. Alors, il vaudrait mieux que vous veniez à Lyon pas tout à fait en fiancée et que, en performant la petite solennité du don d'une bague, nous ne nous fiancions officiellement qu'à ce moment.
Je vais au devant de votre étonnement. Que vient faire ce mot "officiellement" ici ? Je vous ai demandé d'être ma femme et vous avez dit oui. Cela dépasse toutes les formalités du monde. Il n'y a pas de doute sur notre situation réciproque, je pense. (...)
Conclusion pratique : Je vais écrire à ma mère dès qu'à Nice. Je lui dirai exactement mon sentiments et mes projets avec tout ce que nous avons fait à Paris ces jours derniers. Je lui dirai que nous avons franchement parlé de mariage, que nous le désirons l'une et l'autre, que vos parents m'ont bien accueilli, que le fait de vous inviter à Lyon constitue un engagement indubitable de ma part et que je n'attends plus que son approbation à elle. (...)
Il fait beau et chaud. J'ai retiré même ma veste. Mon parapluie et les autres instruments de torture sont tout étonnés de ce qui leur arrive.
Et vous ma chère Jane ? Est-ce encore de la pluie ? Est-ce un peu de vague à l'âme ? Ou, au contraire, êtes-vous contente de ces vacances de six semaines, les avant-dernières ?
Vous savez qu'à Nice, tout seuls, il faudra que nous nous aimions absolument, sans un nuage. Pour cela, plus de taquineries. Celle-ci est la dernière que je vous fais, je vous l'affirme en face de l'Etang de Berre, bleu sombre et doré...
Et une autre fois, quand je vous dirai que je suis jaloux, ne trouvez pas que cela soit drôle... Oui, cela vous a fait rire, dans le métro.
Ecrivez-moi que vous m'aimez un peu. Je vous aime tout court. - Marseille !
Mes respects à vos parents, s'il vous plaît.
Au revoir, amie.
Henri"

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Yahou ça y est !
Que de chemin entre Aout 1927 et son "Pour plus amples renseignements, l'objet en question doit avoir environ 26 ans, rentre d'Angleterre ..." en la demande en mariage le 20 septembre 2007.
On trainait pas à l'époque tout de même!!!