jeudi 10 juillet 2008

16 janvier 1929 : Jane est très occupée

Nous voilà déjà en 1929, moins de lettres ont survécu à cette période. Jane, Henri et Suzy ont passé les fêtes à Lyon,. En rentrant, Henri a trouvé un nouvel emploi, car apparemment l'association avec M. Villiet n'a pas réussi comme espéré ; nous en saurons un peu plus ultérieurement.

Chères Marraines,
Je suis une paresseuse, excusez-moi, ou plutôt c'est la faute à Suzanne, qui prend une grande partie du temps de sa maman et ne lui laisse même pas le loisir d'écrire.
Nous allons bien. C'est à dire que mon vieil homme a un gros rhume de cerveau et le nez bouché, c'est très incommodant. Il fait froid, vous comprenez, alors... quand on travaille dehors. Mais on soigne ça énergiquement avec du bon tilleul et de la teinture d'iode.
La petite fille est toujours en bonne santé. Mais mademoiselle a moins d'appétit (trop distraite). Elle a pris seulement 105 g. la semaine dernière, et 70 la semaine avant, sans doute à cause du voyage et des trimballements.
Mais elle se porte bien et a toujours ses joues roses. On sort tous les jours au soleil. Dimanche dernier il faisait chaud sur la plage, et nous y sommes restés longtemps.
Je vous remercie, chère maman, de faire des petites culottes, mais je ne voudrais pas que vous tricotiez trop longtemps, c'est fatigant.
Ce petit livre dont vous me parlez m'intéresserait certainement si vous pouvez vous le procurer facilement.
Marthe est-elle contente de son travail ? Est-elle prise toute la journée, et ces trajets en tram ne l'ennuient-ils pas trop ?
Je suppose que vous allez toutes les trois, demain, au mariage Collet. Amusez-vous bien. Marie-Louise a-t-elle dû compléter sa toilette ? C'est bien de l'ennui, juste pour quelques heures...
J'ai reçu hier une lettre de maman. Papa a un gros rhume, maman dort toujours mal et ils ont froid. Les radiateurs ne chauffent pas suffisamment. Maman me dit que la petite Martine (1) vient d'avoir une congestion pulmonaire et qu'on a cru la perdre. Pauvre chou. Et chacun me charge de vous remercier, de remercier le capitaine pour les bonnes dragées.
Henri n'a pas beaucoup à faire chez Michel. Je suis contente de ce changement, qui lui enlève du souci. Jusqu'à présent, il est venu déjeuner facilement, beau temps, pas de panne de vélo. Nous ne cherchons pas encore d'appartement, Henri est partisan d'attendre, d'autant plus que dans un mois environ, il aura 2 heures pour déjeuner. Si nous voulions un appartement à 3 000 F, on en trouverait tout de suite, mais il vaudrait mieux avoir un bout de jardin. Enfin, on verra.
Henri va le soir rue Smolett, après 4 h 1/2, pour quelques jours. La perte d'argent ne sera pas plus élevée que ce qu'il pensait, et il ne s'en soucie pas beaucoup, comptant rattraper cela en s'occupant le soir de 5 à 7.
Il pense faire la lanterne de Rat (2), une pour mes parents et un cadre de glace pour nous, puis aussi un lustre pour le Kozak, etc. Je vous en reparlerai.
En attendant, nous nous sommes, ou plutôt vous nous avez offert une superbe balance, chère maman, dont nous vous remercions très fort. Henri va arranger une caisse ou autre chose pour pouvoir peser la petite.
Ma chère Marthe, ta négresse a été encadrée artistiquement et pendue à côté de notre lit. Henri la regarde tous les soirs et souvent l'embrasse à m'en rendre jalouse. Que pensez-vous de cela, chère maman ? C'est très coupable, n'est-ce pas ?
Et maintenant, chère maman, que voilà Marthe fixée sur sa voie, pourquoi ne viendriez-vous pas à Nice auprès de votre petite-fille et jouir du beau soleil qui ferait du bien. Nous aimerions beaucoup à vous avoir. Et Henri pourrait aller vous attendre à Marseille un samedi soir et vous amener ici le lendemain pour moins vous fatiguer.
Nous comptons sur nos chères soeurs pour vous décider. Il ne faut pas toujours refuser, ce n'est pas gentil.
Bons baisers de nous trois à vous trois et à bientôt de bonnes nouvelles.
Jane"

(1) Fille de Jean et Henriette Jobert, cousine de Jane, née
(2) Paul Dumas